Le Mur rouge 9 rue Joachim Colbert 34000 Montpellier France
Richard Petit est un vieux compagnon des Boutographies, et nous sommes heureux qu’il ait accepté d’inaugurer la galerie avec sa série Cheap Land.
Exposé à Montpellier dès 2007 avec ce qui devait aboutir, quelques années plus tard, au magnifique travail que nous connaissons aujourd’hui, Richard Petit a continué son chemin dans l’étroit compagnonnage qui le lie à Christophe Laloi, directeur des Voies Off d’Arles, et à sa galerie.
Cheap Land : une photographie du silence et de l’indicible, une photographie monumentale et saisissante
La photographie, avant de devenir l’art de l’instant décisif cher à Henri Cartier-Bresson, a longtemps été la trace de l’instant lent, prolongé, immobile. A ses tout-débuts, la photographie fixait des instants déjà figés : portraits statiques, natures mortes et paysages. Une fois dotée de la rapidité qui lui permit de saisir le mouvement, la photographie s’est attachée à retenir des instants si fugitifs qu’ils en échappaient à notre conscience et n’étaient visibles que sur le papier photographique. Comme en un retour aux origines –et comme en contrepoint au flux incessant des images télévisuelles et numériques- tout un pan de la photographie d’expression contemporaine semble nous ramener à la durée des instants longs et silencieux. Mais ce retour aux origines n’en est pas tout à fait un. Autant la transparence attribuée à la photographie durant toute l’époque moderne (celle des enthousiasmes des débuts) affirmait la capacité de ce média à montrer la réalité du monde, autant le désenchantement post-moderne à l’égard de la vérité est venu instiller le doute quant à l’intérêt documentaire des images, pourtant toujours plus nettes, toujours plus fidèles au visible. Ce que ces photographies d’aujourd’hui montrent, c’est peut-être, en fin de compte, l’opacité énigmatique des formes, l’étrange absence des choses et des êtres à leur propre visible, dès lors qu’ils sont déshabillés du logos. Face à ce visible incertain (ou plutôt, à l’intérieur même de ce visible), s’est posé un photographe qui n’est plus appelé à témoigner d’une réalité introuvable, mais de sa propre présence au monde.
La photographie a pour elle cette capacité extraordinaire à nous remettre au contact de ce qui précède irrémédiablement le discours : le purement sensible. La photographie de Richard Petit nous rappelle que la photographie est bien moins et bien plus qu’un texte : un retour à la légèreté du regard posé sur un monde sans signes, une voie vers ce qui fonde notre rapport essentiel aux choses, et qui est indicible ailleurs que dans le poème ou dans l’art, qu’il soit pictural, musical ou photographique.
Christian Maccotta