Galerie Philippe Chaume 9, rue de Marseille 75010 Paris France
« C'est la mer, comme limite, qui trace, en réalité, la forme des continents. C'est par la mer qu'il convient de commencer toute géographie. » écrit en 1875 Jules Michelet. La mer comme point de départ de l’histoire de la terre est aussi celui de la nouvelle série de Sabine Delcour, intitulée : Itsas Lurrak qui signifie en bas- que les pierres de la mer. Elle travaille les rivages au gré des marées et des houles. La rencontre entre la mer et la terre forme une frontière géologique particulière, à la lisière du monde.
Les photographies de cette nouvelle série sont minérales. La roche, ensevelie par les flots, est tranchante et inhospitalière. Le sol est déchiqueté et la mer semble cacher un univers inaccessible au regard. Et pour- tant, la mer est très peu visible dans ses images : elle est le point de départ d’une histoire qu’il s’agira de construire à sa guise, de la même manière que les pierres sont marquées par l’érosion et le temps qui passe. Itsas Lurrak parle du temps qui façonne les pierres et l’imaginaire. Grâce à la mer et ses remous entraînants, la géographie qui se compose est mentale. Sabine Delcour trouve là de quoi enclencher une réalité plus intériorisée et ne recourt plus aux histoires des autres pour interroger le territoire comme dans ses précédentes séries.
Les photographies de Sabine Delcour ne sont pas documentaires ; leurs réalités sont propres à chacune des interprétations et des histoires qu’elles rendent possible. Chaque image fonctionne comme une fenêtre qui s’ouvre sur un univers en devenir. Ses images posent un cadre et offrent des accroches visuelles : elles superposent un territoire physique et un territoire imaginaire de la même manière qu’une métaphore rapproche deux réalités, tangibles et allégoriques. Itsas Lurrak poursuit le travail de Sabine Delcour sur le langage : elle questionne la forme et le fond de la géographie qu’elle circonscrit. Ainsi, photographier l’estran, c’est tout à la fois interroger l’origine de la terre et l’origine des récits qui ne sauraient être fixes.
© Sabine Delcour "Itsas Lurrak" 2010, photographie argentique, 120 x 148 cm. Courtesy Galerie Philippe Chaume, Paris