Les Rencontres d'Arles 2010 34 rue du docteur Fanton 13200 Arles France
Atelier de maintenance / Parc des ateliers
Insolite, certes, mais ô combien sensuelle, la série Chambres noires de Michel Campeau suscite une émotion à la fois incisive et diffuse : une exquise mélancolie. Ce projet amorcé il y a un peu plus de quatre ans saisit ce momentum de la mort annoncée d’une pratique artisanale de la photographie. Et si l’exploration de ces précieuses chambres noires le mène au constat d’un rituel fondamentalement universel, y prélever leurs traces amnésiques, personnelles et culturelles, lui confirme la résistance et surtout cette résilience bien ancrée chez les maîtres artisans de la photographie argentique.
Défenseur invétéré d’une vérité intrinsèque de l’image, Michel Campeau nous invite à en « écouter » les révélations.
Aussi nous rappelle-t-il qu’à bien des égards, l’expérience du photographique se rapproche intimement de l’analyse psychanalytique. La chambre noire, où se déploie et s’ordonne la source de matériaux plus ou moins volontairement accumulés, n’est-elle pas la métaphore par excellence d’un inconscient toujours à l’oeuvre bien malgré lui ? La chambre noire serait au photographe ce que le cabinet de consultation est à l’analyste ; des espaces réservés aux seuls initiés.
«[...] Les images de Michel Campeau sont ainsi archéologiques et doublement : elles sont historiennes et psychanalytiques.
Elles retournent aux origines historiques de la photographie comme à ses origines psychologiques, elles en manifestent tout l’archaïsme, l’archaïsme technologique, celui de son invention au début du XIXe siècle, l’archaïsme fantasmatique, celui de la scène originaire, que la photographie rejoue inlassablement. Mais paradoxalement, en même temps qu’elles contribuent à l’historicisation et à la psychanalyse de la photographie, qu’elles en montrent l’obsolescence et la régression, ces images continuent néanmoins d’y participer. [...]» 1 Qu’elles soient réalisées dans l’obscurité totale, à l’aide d’une lampe frontale, à la lueur de lampes inactiniques ou tout simplement lorsque les ampoules d’éclairage du lieu sont allumées, ces images semblent provenir d’un audelà, de l’au-delà de la lucidité. En procédant « à l’aveuglette », par tâtonnements visuels et au gré des captations du flash électronique, Campeau incorpore à sa pratique quelque rapport ou référence à une métaphysique du toucher.
Avec ses Chambres noires, Michel Campeau nous convie à réfléchir au phénomène photographique lui-même : sa chimie, sa technique, son historicité, sa vérité. Aussi nous place-t-il devant l’évidence que la photographie soit en mesure de s’autoanalyser et de se régénérer d’elle-même. Et si la photographie ne saurait mourir qu’à compter du moment où il n’y aurait plus rien à en dire ? En attendant, et jusqu’à nouvel ordre, elle vit, persiste et fait signe.