Les Greniers à Sel rue de la Ville 14600 Honfleur France
Chroniques Nomades 2010 rue de la Ville 14600 Honfleur France
L’univers pictural de Patricia Erbelding évoque le plus souvent celui de signes déposés sur une page blanche. Ses toiles épurées, minimalistes, incitent l’imagination du spectateur à l’envol, lui laissent l’impression d’étendues illimitées, qui se poursuivent au-delà du cadre et se perdent en profondeur dans un éblouissement de blancheur et de transparences cireuses. La photographie s’est invitée dans son œuvre à la faveur des voyages et particulièrement de ceux qu’elle a effectués dans le sud-ouest des États-Unis entre 2001 et 2009.
Voyage et photographie sont pour elle indissociables. L’un et l’autre participent d’une confrontation avec soi-même. Si le premier naît du rêve de l’ailleurs, la seconde capte la projection de ce rêve sur une réalité qui accepte plus ou moins de s’y conformer.
Ce qui, justement, frappe le voyageur étranger qui découvre les États-Unis, c’est l’absence de surprise, ou plutôt, la surprise de constater combien le vécu de la route américaine coïncide avec les images tant de fois véhiculées par le cinéma ou la photographie. Les vues panoramiques en noir et blanc de Patricia Erbelding font défiler les stéréotypes de bords de route : modestes constructions de brique en déshérence, conquises peu à peu par le désert ; ou bars, motels, stations-service, coffee shops, tous ces lieux de prédilection de la googie architecture des années 1950-1960, aux formes inspirées de la conquête spatiale, qui nous apparaissent comme autant de vestiges d’un rêve euphorique tombé dans l’oubli aussitôt que réalisé. Ces lieux d’échange vides de présence humaine mais peuplés de fantômes, ces architectures au futurisme déjà rétro semblent victimes d’une accélération du temps. De ce propos, somme toute assez douloureux, les interventions picturales sur les images en noir et blanc sont comme un écho adouci. Des voiles d’une blancheur translucide brouillent par endroits la vision et mettent à distance certains éléments ; des traces de rouille, déposées d’un geste apparemment désinvolte, signent ces vanités en forme de road-movie. Le temps est à l’oeuvre dans et sur l’image où l’oxydation du fer ne s’interrompt que lorsque l’auteur décide de recouvrir de cire la poussière métallique en mutation. La peinture se fait métaphore de la prise de vue, cet arrêt volontaire du temps sur des choses et des êtres en voie de disparition.
J.-C. F.