Né à New York en 1890, Paul Strand restera dans l’histoire de l’art photographique comme celui qui a fait basculer la photographie dans l’ère moderne. Il personnifie par excellence la figure de l’artiste d’avant-garde, pleinement engagé dans la vie sociale de son temps, qui impose une vision nouvelle à force de recherches et d’innovations.
Formé par Lewis Hine et remarqué dès 1906 par Alfred Stieglitz auquel le liera une longue amitié, Paul Strand est, avec celui-ci, l’artiste qui symbolisera la critique et la fin du célèbre mouvement pictorialiste et de son esthétique picturale qui avait marqué depuis plusieurs décennies l’adolescence de la photographie. Influencé par le cubisme et le fauvisme, attiré par les oeuvres de Picasso, Braque ou Brancusi, Paul Strand s’intéresse à l’abstraction et au formalisme, sans négliger la dimension sociale de la photographie documentaire. Considéré comme un chef-d’oeuvre de la photographie, La barrière blanche, qu’il réalise en 1915, annonce une nouvelle ère de l’image fixe et l’émergence du courant inédit de la Straight Photography (“La photographie pure”) dont il deviendra le chef de file.
À la fin de la première guerre mondiale, le travail que Paul Strand effectuera dans un hôpital militaire, la Straight Photography impose internationalement sa révolution de la perception de l’objet et du champ de la photographie. Il n’est alors plus question de tenter d’inscrire la photographie dans l’art pictural par des procédés surannés mais, bien au contraire, de s’appuyer sur la particularité objective du médium et de ses dispositifs pour imposer une esthétique spécifique faite de netteté, de précision du détail, de rigueur du cadrage et de structuration par la seule lumière. La photographie est désormais libre de ses choix. Elle peut appliquer son art propre à une infinité de sujets qui vont de l’objet singulier au mouvement de la vie urbaine, en passant par une forme nouvelle d’abstraction.
L’oeuvre de Paul Strand illustre à la perfection la richesse et la diversité de cette “nouvelle objectivité”. Expérimentant également le cinéma d’avant-garde à visée sociale, Paul Strand bénéficie dès la fin de la Seconde Guerre mondiale d’une reconnaissance internationale, et voyage à travers l’Europe en poursuivant ses recherches. Victime du maccarthysme en raison de ses opinions communistes,
Il choisit de s’installer en France, on se souvient de sa complicité avec l’écrivain Claude Roy, où il continue travaux et voyages et où il meurt en 1976. Si, comme l’affirme l’historien Peter C Brunnell, “la nouveauté de la perception est ce qui caractérise l’avant-garde moderne”, l’oeuvre de Paul Strand, déployée sur presque soixante années, incarne à elle seule la notion d’avant-garde rapportée à la photographie.
NB : le visuel choisi pour cet article est une simple illustration de l'oeuvre de Paul Strand. La couverture officielle du livre sera affichée dans cet article dès qu'elle aura été choisie par l'éditeur.