Le 19 août 1839, François Arago, secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences, révèle publiquement devant une assistance nombreuse et impatiente, le procédé de fixation de l’image mis au point par Louis Daguerre. Cette annonce mémorable est en quelque sorte la date de naissance officielle de la photographie comme invention. La solennité de cet événement, dont le retentissement international sera considérable, doit tout à la volonté affirmée du célèbre député astronome, grand physicien de la lumière, qu’est à cette époque François Arago, qui met sa notoriété d’homme d’État et l’éminence de son autorité scientifique au service de cet instant par lequel la photographie est " donnée au monde (…). La France dote noblement le monde entier d’une découverte qui peut tant contribuer aux progrès des arts et de la science”.
“L’événement Arago”, comme l’a désigné le collectionneur historien André Jammes, aura trois conséquences majeures dont les effets ont déterminé en grande partie la postérité et la perception de l’irruption de la photographie dans le champ des grandes découvertes du XIXe siècle. Avec Arago, l’invention de Daguerre se place sous les auspices de la science : elle marque donc une rupture avec l’univers de l’expérimentation laborieuse et des chimères, pour se parer d’une aura irréfutable. La photographie, que chacun peut potentiellement pratiquer librement, se donne dès son “invention” comme un facteur de progrès social. Consacrée par le “héros républicain” qu’est Arago, elle permet l’accès à de nouvelles connaissances, elle est vecteur de progrès dont chaque citoyen pourra bénéficier.
La photographie a une mère patrie originelle: la France. Elle devient un élément du patrimoine national et porte au plus haut les valeurs de la République dans la lignée des savants et des philosophes des Lumières. Dans la passionnante introduction qu’elle consacre à ce nouveau Photo Poche Histoire, Monique Sicard revient longuement sur l’extraordinaire destin d’Arago, né à Estagel (Pyrénées-Orientales) en 1876. De son admission à l’École polytechnique à l’âge de dix-sept ans jusqu’à son accession à la présidence du Conseil en 1848, en passant par l’aventure rocambolesque de la Méridienne qui permit au courageux et brillant physicien d’accéder aux honneurs de la République, elle retrace l’itinéraire d’un humaniste engagé qui, à l’égal de Victor Hugo, connut en 1853 des funérailles nationales.
De toutes les épopées politiques et scientifiques qu’a menées François Arago, celle de l’avènement de la photographie, ici rapportée et illustrée de manière exhaustive, restera pour longtemps à la fois captivante et exemplaire.