« Photographier les gens, leurs activités, leurs traces, est pour moi une façon adéquate d’être parmi eux, tout en variant d’une série à l’autre les paramètres de la formule de Maurice Merleau-Ponty : « Mon corps est à la fois voyant et visible. »
Pendant longtemps, il s’agissait de dévoiler des mondes secrets, rejetés ou trop fugaces pour que l’on y porte attention. Parfois, je bondissais sur mon sujet, parfois, je le traquais en cachette et lui volais son image. Il y avait souvent des sentiments de transgression, de clandestinité,
d’obsession, de mouvement. Parfois, le manque primordial, la blessure narcissique, le désir impossible de l’Autre suintaient.
Maintenant, je suis plutôt fasciné par la nature instable de ce qu’on appelle réalité. La photographie est un merveilleux outil pour interroger notre présence / absence au monde. Il me semble important de questionner aujourd’hui nos pratiques, reconnaître la subjectivité de notre perspective, ainsi que l’aspect spectaculaire des médias auquel nous participons, et de proposer des formes nouvelles de narration, plus personnelles, interactives, inclusives, tout en recherchant un équilibre toujours
fragile entre des perspectives poétiques, psychologiques et politiques.
Ce qui m’intéresse, c’est de proposer des projets qui se déclinent dans une multitude de réseaux – presse, cinéma, galeries, livre, Internet – et qui participent à la nouvelle fluidité et au décloisonnement général des formes de représentation.
Je photographie pour avoir une excuse pour regarder. Je photographie pour saisir ce qui n’est pas accessible autrement. Je photographie parce que ça fait moins de dégât que le tir à la mitraillette. Je photographie pour pouvoir oublier. J’aimerais que mon travail soit comme regarder à travers une porte entrouverte, où les histoires ne sont pas articulées ou expliquées, mais restent plutôt
secrètes, laissant au spectateur le soin de discerner, de découvrir et d’imaginer. »
Jean-Christian Bourcart extrait de sa présentation pour le Prix Niépce 2010