Dessin ou photographie ? Quand on regarde l’oeuvre de Bertrand Flachot, un doute subsiste. L’exposition Les constructions invisibles présente deux séries de photographies, Constellation et Involution, aux images sensitives oscillant entre abstraction et fi guration et mêlant différentes techniques : photographie numérique, dessin sur ordinateur et dessin au crayon. Ce faisant, Bertrand Flachot crée des oeuvres qui se situent dans un entre-deux, à la frontière de deux expressions plastiques, celle de la photographie et du dessin et qui provoquent une étrange sensation. Transformées, entremêlées et visuellement indissociables. Le public dérouté s’interroge : branches et ramifi cations végétales photographiées ou graphisme et gribouillage de l’artiste ? Fragiles et éphémères, nerveuses et pulsionnelles telles sont les oeuvres réunies pour cette exposition qui nous ouvre les portes d’un étonnant et nouvel espace : Les constructions invisibles.
Tout d’abord il y a des photographies numériques. Celles d’un paysage exclusif, un lieu intime et source d’inspiration qui fournit à Bertrand Flachot son répertoire d’images : arbres, nids ou encore détails indistincts de végétation, tous remaniés par l’artiste. Ensuite, il y a le dessin. Instantané et sur le motif, il est réalisé à même la photographie devenue prétexte au graphisme. L’ordinateur se fait palette et la photographie toile. Pourvu d’une tablette graphique et muni d’une mine de plomb, l’artiste investit ses photographies. Sa gestuelle contenue déploie une écriture déliée qui se superpose au support photographique et produit une confusion.
Tracé dans et par l’image, le gribouillis n’est ni abstrait, ni fi guratif. Il n’a de cesse de se mouvoir et d’évoluer dans un continuel jeu de construction, déconstruction et reconstruction. Le dessin se mêle à la photographie pour l’intensifi er et l’exacerber ou s’en détache pour la re-composer. Passant du geste classique du dessin à la photographie, l’artiste renforce les vibrations d’ombres et de lumières ainsi que les mouvements inhérents à l’image. Prolongé sur les murs de l’exposition à l’occasion d’une intervention, le dessin s’affranchit peu à peu du support pour s’étaler librement sur le mur. Plus le trait se déroule, plus il devient éphémère et délicat. Lentement il s’estompe et s’efface pour ne devenir qu’un point en suspens.
Dès lors, l’exposition s’apparente à la mise en espace d’une disparition d’un paysage et illustre une nouvelle approche du réel. Indéfi nies et imperceptibles, enchevêtrées et insaisissables, Les constructions invisibles offrent la vision d’un ailleurs lointain et vacillant qui invoque métamorphose et sensibilité. De subtiles constructions en devenir et illimitées. À qui les regarde, elles semblent représenter l’envie, le désir de Bertrand Flachot de transfi gurer le monde, de le réinventer et d’en donner une image inédite.