La nuit est sombre sur Tarifa, petite ville balnéaire à l'extrême sud de l’Espagne. Au loin, on distingue les lumières de Tanger. Ce soir, la mer est plutôt calme, une nuit idéale pour que les mafias marocaines jettent à la mer leur lot de candidats vers l’Europe. Pendant ce temps, l'équipe de Médecins Sans Frontières Espagne sillonne les plages pour apporter un premier secours aux « naufragés de la nuit ».
Aujourd'hui, la traversée se fait dans des zodiacs de plus de 8 mètres où les passeurs entassent jusqu'à 70 personnes. Le prix à payer pour le passage va de 800 à 1500 €, selon la nationalité. Pour payer le voyage, ils ont tout vendu, maison, voiture, terrain. Certaines femmes se prostitueront en cours de route ... Les mafias poussent les femmes enceintes à embarquer à terme, leur faisant croire qu'elles auront plus facilement des papiers si elles accouchent en Espagne.
Le Maroc n'a jamais voulu reconnaître que des embarcations quittent clandestinement le pays avec, à bord, des immigrants autres que ses ressortissants, laissant ainsi l'Espagne avec les Subsahariens dans les bras. Mais, quand bien même la police arriverait à déterminer le pays d'origine, il n'existe pas d'accord d'extradition. La tragédie de l'immigration clandestine dans le sud de l'Espagne a débuté en 1988, avec la découverte du corps d’un Marocain, échoué non loin de Tarifa. Le détroit de Gibraltar venait d'avoir sa première victime officielle. Durant ces quatre dernières années, plus de 400 corps ont été récupérés sur les plages de Tarifa. Cette zone est devenue le plus grand cimetière marin au monde.
Michel Lozano a réalisé ce reportage, en octobre et décembre 2000, juin-juillet 2001 et septembre-octobre 2003.
Lieu : Ovoïde du Conseil Général