Pavillon Populaire de Montpellier Esplanade Charles de Gaulle 34000 Montpellier France
Entre la chute des tours jumelles le 11 septembre 2001 et l'élection de Barack Obama, premier président noir des Etats-Unis, une décennie « aux frontières du réel »1 s'est clôturée. Dix années où l'Amérique, fer de lance d'un certain modèle de développement, a été au cœur de la tourmente. La photographie documentaire explore justement cette réalité, et force est de constater que c'est un territoire de fiction qui se dessine alors : l'Amérique se rêve autant qu'elle fait rêver. A travers les travaux de photographes européens et américains, le collectif Transit propose au public d’aller à la rencontre de cette Amérique d'aujourd'hui et de s’interroger sur la manière dont on la montre et dont on la regarde.
Au XXème siècle, l'Amérique a connu l’essor de l'industrie cinématographique. Elle l'a enrichie du « Star system »1, produit manufacturé d'une mythologie incarnée, amplifiée par toute la palette des médias. Ainsi, elle a conquis les imaginaires sur son territoire et bien au-delà de ses frontières. L’industrie du rêve, formidable caisse de résonance culturelle, fait exister en chacun de nous une représentation forte de l'Amérique.
Ces étoiles du cinéma hollywoodien, nous les retrouvons sur le drapeau du « rêve américain ». La bannière étoilée agit comme le plus puissant des écrans de cinéma. Il est probable qu'aucune nation ne fasse de son drapeau ou de son nom un usage aussi intensif de produits dérivés. Le mot USA, ou son étendard, « impacte » comme le ferait une marque à travers un marketing identitaire1. L'Amérique est au reste du monde ce que la star est à son public, un objet entre mythe et réalité. Adulée ou haïe, elle ne laisse personne indifférent.
La première décennie du XXIème siècle a cependant en partie écorné ce constat. L'Amérique apparaît fragilisée.
L’exposition nous convie autant à débusquer le mythe niché au fond d’un drugstore qu’à découvrir le hors champ de certains des évènements les plus médiatisés de la planète. Les photographes invitent, chacun à leur manière, le spectateur à un voyage au cœur « d'un rêve américain » oscillant entre fiction et documentaire.
Photographes exposés
Frédéric SAUTEREAU
C'est aux abords des tours jumelles effondrées que Frédéric Sautereau nous emmène à travers les regards stupéfaits des passants. Des passants chez qui nous avons l'impression de voir l'onde de choc psychologique, l'impensable, l’effondrement d’une idée de l’Amérique toute-puissante. Retransmis en direct sur les télévisions du monde entier, cet attentat est dès son origine « événement-image », fiction et réalité comme l’écrit Jean Baudrillard dans le Monde au lendemain du 11 septembre 2001. Ces visages nous renvoient à notre propre sidération de téléspectateur lointain et si proche à la fois de la tragédie.
Christopher MORRIS
Avec My America, Christopher Morris explore les questions de pouvoir, de sécurité, de patriotisme et de dévotion. C'est à travers une esthétique de la déréalisation proche des séries américaines qu'il nous plonge dans un univers aux contours fictionnels. Pour lui « l'Amérique de Bush s'est bandée les yeux avec le drapeau américain. » De cet aveuglement idéologique, le photographe de l'Agence VII tire un portrait sans concession.
Jean-Robert DANTOU
D’après l’artiste et théoricien espagnol Joan Fontcuberta « Le monde devient un grand théâtre, il n'y a plus de divorce entre réalité et représentation. Les conférences de presse, les réunions politiques, les évènements sportifs, les grandes commémorations, même certaines guerres, sont devenus des dramaturgies extrêmement élaborées ». Cette scénarisation du réel se retrouve dans les Paysages de campagne de Jean-Robert Dantou. Sa vision des salles de meeting des dernières élections de Barack Obama « plonge le spectateur dans l'incertitude et le doute quant à la nature réelle ou fictionnelle de ce qu'il voit et de ce qu'il entend (…)».
Stephan VANFLETEREN et Robert HUBER
Stephan Vanfleteren et Robert Huber ont parcouru onze états américains tous deux déguisés en Elvis Presley, pour « l'ultime tour d'Amérique de l'idole pop ». Ils interagissent avec les lieux et les habitants, partageants clins d’oeils et embrassades dans les cafés et les motels. Abordant un des grands mythes de la culture américaine, Elvis Presley, ils nous embarquent dans un road-movie où se mêlent humour, fiction et poésie du quotidien.
Jean-Luc BERTINI
Avec sa série Figuration Américaine, Jean-Luc Bertini semble placer les Américains dans le décor de leur propre quotidien. Selon lui « Quiconque s'est un jour rendu aux Etats-Unis a probablement eu la même vision : celle d'entrer dans une fiction. D’être un personnage aspiré dans une réalité en carton-pâte où tout paraît provisoire ».
Richard RENALDI
Richard Renaldi a traversé les Etats-Unis de la côte Est à la côte Ouest pour photographier la classe moyenne. Réunissant successivement portraits et paysages, il aborde la diversité des communautés et des territoires. Ses portraits sont une actualisation des figures mythifiées de l’Amérique. Son travail s’inscrit dans la droite ligne de la grande tradition de la photographie documentaire américaine.
Richard PAK
A l’origine du travail de Richard Pak, il y a une fascination pour la culture américaine. L'Amérique est le territoire où il crée sa propre fiction en « prélevant des échantillons d'humanité ». Il photographie une société ordinaire, populaire pour faire entendre ce que résume Pierre-Yves Pétillon « cette voix si américaine, faite de solitude et de stoïcisme, où l'on perçoit, comme dans un tableau d'Edward Hopper, ce mélange de mélancolie léthargique et de nostalgie des lointains. »