© Dominique Darbois - Mongolie, 1957
Fabrique du Pont d'Aleyrac pont d'aleyrac 07190 Saint Pierreville
Si les images photographiques de Dominique Darbois sont connues son nom l’est moins. Des générations de lecteurs ont pourtant rêvé sur ses pages des «Enfants du Monde», célèbre collection d’albums pour les enfants, publiée de 1953 à 1975. La collection s’est arrêtée, les photographies sont restées imprimées dans nos mémoires. Elles continuent à vivre par leur vérité et l’exemplarité de la relation de la photographe à son sujet. Elle efface le trop plein de détails du quotidien accordant toute son attention à un visage, un geste. Pêcher, ouvrir un livre, cuisiner… la transmission de ces apprentissages familiaux est commune à toute l’humanité.
Née en 1925, la photographe commence sa carrière en 1946 en devenant l’assistante de Pierre Jahan. Sa «vérité du monde», Dominique Darbois l’a éprouvée au camp de Drancy où elle a été internée et dans les Forces Françaises Libres. Médaille de la Résistance, Croix de Guerre, Légion d’honneur. Sa première exposition personnelle a lieu à la Galerie Maeght à Paris en 1954. Membre de l’expédition Tumuc-Humac, en Guyane, de 1951-52, elle a depuis parcouru le monde. Des reportages sur des écrivains, ou sur le musée de Kaboul, des portraits de femmes, ont fait l’objet de plusieurs publications. Parmi ses images rassemblées dans le livre «Terre d’enfants» paru aux éditions Xavier Barral en 2004, nous avons sélectionné une cinquantaine de photographies qui documentent la vie de cet enfant de Chine, de cet autre du Sénégal, ce geste rarement montré d’un adulte qui transmet avec douceur, parfois fermeté, et qui nous comble comme un souvenir retrouvé.
Dans les photographies de Dominique Darbois -comme dans le cinéma de Robert Flaherty et dans Nanouk en particulier- on suppose une réalité difficile et quelquefois des images «contrôlées» par des accompagnateurs. Mieux que tous, elle connaît la dureté et la violence, mais n’a jamais fait de reportage de guerre. Ses photos ne sont pas arrachées de force avec un objectif braqué sur le sujet. Elle a longtemps utilisé un Rolleiflex. Pierre Amrouche, l’ami proche, auteur du texte du livre remarque qu’«il est le seul qui permette, grâce à son viseur vertical, de garder le contact visuel avec le sujet pendant la prise de vue. Ici réside un des secrets des photos de Dominique Darbois, ce regard qui passe entre le photographe et son modèle, établissant un rapport particulier de confiance propre à faire éclore de la vie sur le plus fermé des visages». On se croit parfois face à un travail de portrait. La petite fille chinoise avec son pull tout neuf bien tricoté, pose dans une lumière parfaite comme pour un peintre. Cet autre enfant qui farfouille dans les livres est bien trop absorbé pour avoir remarqué la photographe. Dans l’infinie nuance des attitudes et des regards, le visage ou le geste est toujours au centre de l’image et l’impeccable cadrage au service de la dignité et de la grâce de la personne photographiée. C’est en traînant, comme elle dit, ses appareils photos dans une soixantaine de pays que Dominique Darbois a trouvé, pas uniquement l’aventure, pas uniquement un témoignage ethnologique, mais un album de photos de famille à la dimension du monde et dans lequel chacun peut reconnaître son frère ou sa petite cousine et peut-être tout cela à la fois.