En 1951, le magazine américain Life publiait le reportage du photographe W. Eugène Smith Spanish Village. Regard critique sur l’Espagne franquiste et document extraordinaire sur la vie quotidienne d’après guerre, les images furent interdites en Espagne jusqu’à la fin de la dictature.
Dans les années 1950 - 1960, des photographes espagnols explorent eux aussi tous les aspects de la réalité de leur pays : ses difficultés économiques, la limitation des libertés... La mise en parallèle de ces approches humaines et photographiques, à la fois distinctes et complices, propose de montrer à quel point la photographie est devenue un vecteur d’information, mais aussi d’émotion, et plus encore de résilience.
La première rencontre est celle du groupe AFAL, Agrupacion de Fotografos de Almeria. Fondé en 1950 à Alméria, ce groupe milite pour une modernité de la photographie documentaire dans cette période franquiste, propice à la censure ou à l’académisme. Ses membres proposent de rompre avec la tradition pictorialiste des sociétés de photographies et d'offrir de nouvelles approches inspirées notamment des courants étrangers. Différents dans leurs approches photographiques respectives, ils se retrouvent pourtant autour de l’existence d’un humanisme de premier plan et du reportage social, comme forme d’expression à part entière. La seconde expérience est celle du photographe Virxilio Vieitez dont l’obstination sera avant tout associée à la fragilité dans laquelle vit le monde rural en Galice, comme dans toute l'Espagne. N’ayant pas envie de son propre studio, il réalise ses portraits en extérieur, à la lumière naturelle.
Dans ses portraits, caractérisés par une attitude frontale et statique du sujet, on est interpellé par l’exigence de Virxilio Vieitez à capter les expressions de ses modèles, toujours présentés avec la plus grande dignité. Sans le savoir, Virxilio Vieitez construisait une œuvre devenue incontournable.
Il était intéressant et nécessaire de faire dialoguer ces œuvres avec celle d’un photographe venu d’ailleurs. Résistant à la tentation de l’anecdotique et de la nostalgie, Christer Strömholm donne à voir, en Espagne comme ailleurs, un manifeste existentiel chargé d’obsessions personnelles. Guide pour les premiers groupes de touristes suédois vers l'Espagne au tournant des années 1960, Christer Strömholm poursuit l'invention d'un langage formel et émotionnel qui lui est propre. La boucle se ferme lorsque ces photographies de Christer Strömholm dialoguent étrangement bien avec celles d'un des membres de l'AFAL, Joan Colom.