Expositions du 23/07/2005 au 28/08/2005 Terminé
Centre de photographie de Lectoure 5, rue Sainte-Claire 32700 Lectoure France
A l'école Gambetta.
Renseignements au 05 62 68 83 72 et photoalectoure@club-internet.fr
Abondance d'images dans une société de l'abondance. [...] Abondance d'images de communication au service d'une esthétique de la persuasion. Face à l'efficacité des stratégies de marketing et de promotion, l'art est-il équipé pour proposer une alternative ? Contrereprésentation, contre-information, contre-propagande... : si l'on peut aisément convenir d'une définition de l'activité artistique en termes de résistance, la stratégie de l'opposition frontale est-elle encore dotée d'une efficacité ? Le Moloch communicationnel a cette effarante capacité de se nourrir de tout, de faire image en digérant tous les régimes de représentation, y compris ceux qui lui seraient étrangers voire hostiles. À l'ère du débat sur la marchandisation des œuvres de l'esprit, le modèle du spectaculaire gouverne très largement les productions culturelles. Si l'on était pessimiste, il suffirait de relire Guy Debord et de se rendre à l'évidence du triomphe du spectaculaire intégré. Par exemple, le second paragraphe d'un texte datant de 1963 et intitulé Les situationnistes et les nouvelles formes d'action dans la politique ou l'art : “Une même société de l'aliénation, du contrôle totalitaire, de la consommation spectaculaire passive, règne partout, malgré quelques variétés dans ses déguisements idéologiques et juridiques. On ne peut comprendre la cohérence de cette société sans une critique totale, éclairée par le projet inverse d'une créativité libérée, le projet de la domination de tous les hommes sur leur propre histoire, à tous les niveaux”. Tout cela a été compris de longue date par les publicitaires, les patrons des médias et leurs armées d'animateurs. La critique situationniste du système a été cyniquement intégrée par le système. Cette perversité menant à une innocuité de toute velléité critique a largement été décrite par Jean Baudrillard. Selon lui, la critique frontale n'est plus possible. Si on le suit, il faudrait prendre les choses à revers, utiliser finalement les armes de l'ennemi pour le combattre. Il faudrait s'insérer dans le système – sans y appartenir –, et pratiquer une dérive dans le système spectaculaire. Après le mythe d'une soi-disant société post-industrielle, le mythe d'une ère de l'information gouverne les imaginaires. Tout aujourd'hui est ramené au concept d'information, mais paradoxalement, alors que les réseaux se sont démultipliés, alors que de nouveaux types d'opérateurs sont apparus, l'information n'a jamais été aussi peu fiable. D'autres images de la réalité sont toujours aussi nécessaires. Dans l'histoire récente de la photographie, les pratiques et les discours critiques ont épuisé les registres de représentation d'un réel trop médiatisé, en restaurant successivement les catégories de l'objectivité, du quotidien, de l'intime et du banal. Trop de mots d'ordre et pas assez d'images justes. Trop de diktats et pas assez de souplesse. La proposition de Flaubert de “bien écrire le médiocre” a trop souvent été comprise et réinterprétée au premier degré.
Dans le champ littéraire justement, au cours de ces années 90 où Guillaume Janot mettait en place son travail photographique, un auteur s'est distingué : Douglas Coupland, qui, avec Génération X et Microserfs notamment, a su trouver les régimes narratifs, les lexiques descriptifs et le Style – un style éminemment plastique – pour dire une génération qui vient après la fin de l'histoire. Aux grands modèles globaux d'intelligence du social devait succéder une procédure d'exploration de vies minuscules, de micro-histoires. Pour cela, il fallait inventer un style qui ne renie pas mais au contraire soit informé par la culture populaire, de MTV à Macintosh. Cette culture de la génération X transformée en dix ans en une génération.com, en passant du modèle de la télévision à celui de l'ordinateur. Guillaume Janot a su créer un style singulier en assumant le syncrétisme. Il a su trouver les moyens plastiques de transcender les modèles de ses prédécesseurs, tout en réintégrant ce qui avait pu être filtré dans l'art par la photographie éditoriale, par la culture des magazines et de la communication visuelle. Puisque la publicité vend un package assemblant le produit et la vie qui va avec, il semble plus que jamais nécessaire d'inventer des images qui représentent les à-côtés d'une vie gouvernée par le parcours des couloirs de supermarchés et les heures passées face à la télé. Il assemble ainsi portraits métonymiques et paysages de fausse carte postale pour décrire un monde qui refuserait l'effet Prozac insidieux d'une société de consolation. Le monde ne correspond évidemment pas aux images diffusées par le journal télévisé, pas plus qu'à celles des tunnels publicitaires, des soap operas ou des reality shows. Les images du début des années 2000 produites par Guillaume Janot contiennent en filigrane toute la violence des événements récents, toute l'inquiétude générée par une sensation de perte de contrôle du sens de l'histoire. Sans pathos pourtant, elles jouent de plusieurs niveaux de discours, en maniant le symbolique et en assumant les séductions de la belle image. À ses yeux, une bonne image est celle qui est “à deux doigts de se casser la gueule”. Se succèdent dans les séquences qu'il assemble le cliché du coucher de soleil façon calendrier des postes et l'évocation de l'iconographie propagandiste du réalisme socialiste. C'est ce style frôlant les limites qui lui permet d'évoquer la rémanence des barbaries à l'ère d'un globalréalisme faisant fi des individus. L'ère du stress, de l'atonie face à l'agression, de l'angoisse face au pire qui est toujours à venir. Un climat de tension, traduit par son Paysage #25 : à l'horizon d'une route de campagne, un arc-en-ciel sortant de nuages noirs. Une promesse de bonheur dans un atmosphère chargée, plombée.
Pascal Beausse
Informations sur le festival :
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© Guillaume JanotCentre de photographie de Lectoure 5, rue Sainte-Claire 32700 Lectoure France