Istituto Italiano di Cultura 50, rue de Varenne/73, rue de Grenelle 75007 Paris France
Dans la photographie d’aujourd’hui, le nom de Mimmo Jodice rime avec celui de Naples. Il n’a jamais voulu quitter cette ville qui ne ressemble à aucune autre. Il n’a jamais remis en question l’attachement qu’il lui voue, alors que de nombreux photographes de sa génération ont préféré rejoindre le nord de l’Italie, là où les offres de travail, notamment pour la presse, étaient plus alléchantes. Aujourd’hui, au terme de près d’un demi-siècle de production photographique intensive - ses premiers travaux datent du milieu des années soixante -, après des immersions dans les paysages urbains les plus variés - de Paris à Sao Paulo -, le lien avec Naples est toujours aussi vivant : source d’images nouvelles ou relecture de travaux plus anciens. L’exposition « Naples intime » met en lumière une constance du regard du photographe, celui qu’il porte ici sur des intérieurs et des décors qui, même s’ils lui sont familiers, détiennent encore des surprises. « Il suffit de passer le coin d’une rue, de pénétrer dans une cour, une église ou un cloître, pour plonger aussitôt dans une réalité complètement différente : le vacarme et le chaos du quotidien faisant place au silence et à des images aussi imprévisibles que mystérieuses » écrit-il.
La surprise se mêle au ravissement, aussi bien dans des lieux chargés d’art et d’histoire que dans des endroits plus ordinaires, voire abandonnés. Et c’est la manière dont il capte un surgissement de la lumière qui le plus souvent crée l’événement, « fait » l’image ; c’est le noir et blanc, dont il maîtrise plus que n’importe quel autre artiste les valeurs, qui rythme la composition. Mais au delà de ses indéniables qualités se déployant sur le registre plastique, Mimmo Jodice manifeste également un talent qui pourrait s’apparenter à celui du poète : son oeil capte des rencontres inattendues, entre les objets de l’art religieux, si présents à Naples, et ceux du quotidien le plus trivial. Si bien que ses images sont comme un théâtre à la croisée de différentes époques : le voyage dans le temps auquel Mimmo Jodice nous convie est aussi baroque que les réalités qu’il découvre.
Gabriel Bauret
Commissaire de l’exposition
Mimmo avec le noir et blanc photographécrit, ça me regarde donc. Son récit est gravé dans son photogramme.
J’ai la chance de connaître le ton de sa voix, j’arrive à l’écouter dans ses déclics. Mimmo me regarde aussi parce qu’il est de ma ville, Naples pour l’étranger, Napule pour nous.
Mimmo en surprend la matière seconde, l’oeuvre de l’homme sans l’homme. Bois, céramique, verre, étoffe ou maçonnerie : la manufacture désolée n’est pas une trace passée, nullement une relique : elle est prophétie. Ainsi sera après l’imprévu, la ville, le monde. Refroidi par notre absence, il sera soigné au début par la gaze des toiles d’araignées. Brodsky poète russe écrit à une femme : « Vie sans nous, ma chère : c’est imaginable. » Ici par Mimmo elle est écrite, aussi noire que blanche, car ainsi est la cendre, pour ceux qui veulent se pencher plus loin que le terminus.
De tout l’encombrement de notre présence sur la planète, il reste un peu de terre, de poussière, dans la bouche du créateur, qui la crache.
Erri De Luca
La photogénie de Naples est immédiatement perceptible et elle est passionnante ; la séduction visuelle est spectaculaire : un kaléidoscope d’images, de gestualité et de théâtralité, où le présent se mêle au passé, qu'il s'agisse de témoignages sur l'histoire de la ville ou de ses architectures de l'époque royale.
Une autre image de Naples, silencieuse et métaphysique, s’oppose à cette dimension, trop souvent rebattue et exacerbée. Il suffit de tourner le coin d’une rue ou de pénétrer à l'intérieur d'une cour, d'une église ou d'un cloître, pour plonger brusquement dans une réalité complètement différente, où le vacarme et le chaos du quotidien cèdent la place au silence et à des magies aussi imprévisibles que mystérieuses.
C’est à ce moment-là que mon regard se détend ; le temps s’allonge et des visions émergent de la pénombre. Ce sont des visions qui m’appartiennent, elles font partie de ma mémoire ou de mon imagination.
J’ai toujours la sensation que quelqu’un, prévoyant mon parcours, a disposé toutes ces choses spécialement pour moi, pour provoquer mon émotion, et qu’il les a laissées là, depuis longtemps, pour qu’elles m’y attendent.
C’est dans ce Naples plus intime que je trouve ma véritable dimension et que les fantasmes de mon imaginaire deviennent photographies.
Mimmo Jodice