A l'occasion du 13ème festival de court-métrage de Fréjus, la Villa Aurélienne présente l'exposition Automaton.
Denis Rouvre fait partie du jury présidé par Georges Lautner.
"Elle s’appelle Automaton. Elle aurait pu s’appeler Autospy. Mais non, finalement Automaton, c’est plus mécanique, plus impersonnel, moins entaché d’une possible capacité d’analyse, de tentative de d’explication.
La machine
La boîte à faire des images imaginée par Denis Rouvre est simple comme bonjour : une cabine à l’intérieur tapissé de peluche blanche, un appareil numérique solidement fixé à une cloison, un flash, et surtout, ce qui change tout, une télécommande...
Cette petite installation rappelle donc furieusement le photomaton de nos gares. En effet, c’en est un, enfin presque. La différence réside seulement dans cette fameuse télécommande autorisant le déclenchement volontaire de la prise de vue et dans la qualité des impétrants : des stars.
Autre différence, le lieu et le moment de la prise de vue : festivals de cinéma, remises de prix et tous moments où les
stars se mettent en scène.
Surprise
Plutôt que, face à face, un « people » en mal de promotion ou de reconnaissance se confronte à une armée de photographes qui obtiendront chacun pour leur agence ou pour leur journal peu ou prou la même image, plutôt que, dans le salon d’un grand hôtel parisien, une personnalité en représentation obligée accepte l’intimité à la chaîne d’une poignée de photographes, l’un chassant l’autre, pour quelques minutes de prise de vues, Denis Rouvre invente une autre attitude, un nouveau piège à images qui pendant un moment, celui de la surprise, de la nouveauté, du jeu, du soulagement, de l’improvisation, de la liberté, du jeu renouvelé, permettra peut-être l’apparition d’une fugace étincelle, et remettra en jeu, pour un moment seulement, les règles du jeu.
Le choix
Le star-system est un ogre qui consomme de l’image au kilomètre. Un marketing bien compris consiste à vendre, vite et bien, de l’image qui satisfera chaque semaine les lecteurs en mal de présence de leur star favorite en flagrant délit de promotion. Si un film met des mois à s’élaborer, à se tourner ou à se monter, si une pièce de théâtre ou un livre demande concentration, silence, travail avant l’explosion médiatique, une tournée de promotion dûment organisée se réalise en quelques jours optimisant et normalisant l’exposition médiatique... jusqu’à la prochaine fois où il faudra alimenter les ogres de papier glacé.
Pris dans cet engrenage qui pourtant le fait vivre, quel est le choix du photographe ? La planque du paparazzi pour voler l’image à scandale ? La file d’attente pour ajouter une image à celle de ces prédécesseurs, face à une star fatiguée de proposer un sourire formaté, d’obéir à des injonctions scénarisées, de proposer des attitudes promotionnelles bonnes pour son image ?
Les ficelles
De simple metteur en image (penchez-vous un peu, oui, encore, avec le sourire, sans le chapeau, reculez-vous, oui, c’est bien, encore une, on va essayer autre chose...) où il faut tenter une rencontre, la forcer parfois, toujours séduire pour tirer du modèle ce moment de vérité qu’il voudra bien produire, parfois contre son gré, souvent avec sa complicité active, Denis Rouvre se transforme en ingénieur invisible, celui qui organise, met au point et laisse ensuite les potentialités du système s’exprimer, comptant sur la séduction d’un contrôle supposé, sur la fascination de
l’objectif sans témoin pour une image pourtant publique.
De l’art
Est-ce une machine de guerre contre le système ? Un peu. Mais l’efficacité du procédé ne durera que le temps que mettra le système à s’habituer, digérer, détourner la démarche à son profit. C’est en cela que la proposition devient un geste, un acte révélateur et donc une proposition personnelle, une posture artistique.
De simple artisan photographe qui cherche à faire son travail de portraitiste le mieux possible en trouvant les meilleures conditions de fixer le reflet d’un état d’âme du modèle, Denis Rouvre devient celui qui s’affranchit des limites imposées, retrouve une liberté, propose une rupture et à ce titre devient un révélateur d’un ensemble de conditions qui dépassent sont propre regard.
Mais la fascination demeure, et c’est peut-être là la limite de la proposition. Le jeu avec l’image, le contrôle plus ou moins maîtrisé par le modèle, s’il renouvelle le genre, renforce néanmoins la mise en avant des égos, les grandes messes où la star est reine. Les journaux s’arrachent ces images différentes, l’ogre insatiable poursuit sa dévo(ra)tion.
Finalement, Automaton ou Autopsy ?
Automaton pasionnément, Autopsy à la folie !"
François Aulas