Reportage réalisé de 1999 à 2007 sur les bagnes ou prisons pour enfants et adolescents à travers le monde, Mineurs en peines offre un panorama saisissant qui est aussi un plaidoyer pour la reconnaissance des droits des jeunes détenus. Il s’est vu décerner plusieurs prix, notamment le Visa d’Or au festival international du photojournalisme Visa pour l'image 2007.
Introduction de JEAN-PIERRE ROSENCZVEIG
Textes de LIZZIE SADIN, BERNARD LAVILLIERS, AMNESTY INTERNATIONAL
“Plus d'un million d'enfants dans le monde vivent en détention sans pouvoir bénéficier de l’aide d'un avocat, le plus souvent dans des pays où n'existent ni tribunaux pour enfants, ni juges spécialisés, au mépris des traités internationaux. La Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, signée en 1989, stipule que nul enfant ne sera privé de liberté « de façon illégale ou arbitraire », que « la détention ne doit être qu'une mesure de dernier ressort et être d'une durée aussi brève que possible ». Elle prévoit que l'enfant privé de liberté « devra être traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge ». La façon dont un Etat « administre » ses prisonniers est un assez bon indicateur de la qualité de sa démocratie, et une société se juge aussi sur la manière dont elle traite ses enfants. Pourtant, dans nombre de pays, des camps de rééducation, des prisons, des centres fermés, des maisons d'arrêt, des colonies pénitentiaires, des bagnes pour enfants maintiennent trop souvent les jeunes détenus dans des conditions arbitraires, humiliantes, répressives et inhumaines. Encore trop souvent, ils ne sont pas séparés des détenus adultes. Ils sont confrontés à la violence, aux mauvais traitements, aux châtiments corporels, aux abus sexuels, à la prostitution forcée, au racket et au caïdat. L'accès à l'éducation leur est refusé. Les visites des familles sont rares ou inexistantes. La surpopulation carcérale, la promiscuité, la malnutrition, le manque d'hygiène, l'absence de soins médicaux sont la règle. Dans ce monde de l'enfermement, des mineurs sont placés – voire oubliés – de très longues années, dans une simple logique d’exclusion et de punition. Et que dire de ces gamins mis en préventive et qui attendront leur jugement pendant une durée plus longue que la peine encourue ? Que dire de ces peines, si lourdes, attribuées aussi bien pour des crimes sérieux que pour le vol d'un pain, d'un coq ou de riz sur pied, commis parce que ces jeunes avaient faim ? “J'ai voulu témoigner avec mon regard de photographe de l'état de la justice juvénile dans onze pays aux caractéristiques géopolitiques très différentes : pays en paix et pays en guerre, états de droit et régimes autoritaires. Mais, d’un continent à l’autre, on ne peut qu’être frappé par la ressemblance de certaines scènes : mêmes cachots ou cellules d’isolement, même détresse, même volonté des matons de briser la résistance des jeunes détenus. J'ai été portée par l'idée d'amener nos regards à l'intérieur de ces lieux de détention et de porter leurs regards à l'extérieur. J'ai voulu redonner à ces jeunes la dignité qui est la leur, briser le silence dans lequel ils se trouvent et surtout rompre leur isolement.” Lizzie Sadin.