Galerie Set-In-Black 7, rue d'Uzès 75002 Paris France
"Diogène de Sinope, fils d’une supposée crapule", est une série de cinquante sculptures potentiellement gratuites pour l’acheteur, chacune des oeuvres renfermant un chèque sans ordre, signé et daté d’avril 2009, équivalent au montant fixe de son prix d’achat et correspondant à une estimation du coût de sa réalisation. Le titre des oeuvres, toutes distinctes, évoquant tant la banque qu’un trésor caché, fait référence à la légende du philosophe cynique grec Diogène, incarnation de la richesse qui repose au milieu des ordures, fils d’un présumé faux-monnayeur contraint à l’exil qui vivait dans une amphore. Le sac-poubelle présenté sur un socle rappelle par sa forme une bourse dont le propriétaire pourrait disposer comme il l’entend et dont le contenu pourrait servir à un éventuel remboursement de l’achat. La sculpture affirme ainsi pleinement le statut de réserve d’argent souvent prêté à l’oeuvre d’art, tout en limitant la prise de risque qui accompagne habituellement son achat.
Mystère révélé par la volonté de l’artiste, mis en scène au sein d’une présentation évoquant celle des trophées, le contenu du sac fonctionne comme un appât permettant d’évaluer le comportement de l’acheteur et de mettre en valeur ses conséquences pour l’artiste. La curiosité et la convoitise qu’il peut susciter sont susceptibles de générer la destruction de l’oeuvre. La question se pose alors naturellement de l’intérêt d’acheter une oeuvre d’art pour l’anéantir – ce qui revient à nier l’attirance esthétique et l’intérêt du collectionneur au profit d’un comportement rappelant plutôt celui que provoquerait un jeu de hasard sans hasard où le remboursement de la mise serait assuré.
Le comportement de l’acquéreur vis-à-vis du sac-poubelle permet de jauger le degré de confiance envers l’artiste et la valeur accordée à son travail. La destruction de l’oeuvre, qui permet seule la récupération du chèque en raison du système de fixation interne du sac, entraîne en effet l’anéantissement d’une réalisation longue et soigneuse, résultant de multiples opérations répétées cinquante fois. En dépit de leur apparence standardisée et uniforme, les oeuvres résultent d’un assemblage complexe d’éléments entièrement travaillés à la main – du socle au sac, découpé dans une bâche et thermo-soudé, en passant par la tige en aluminium peint qui les relie. L’acheteur est libre de choisir le retour total sur investissement plutôt que la thésaurisation, induisant pour l’artiste la vente à pure perte de son oeuvre.
Raphaël Denis propose, avec “Les Bâillons de la bienséance, portraits d’une basse-cour” un travail sur le temps et les dogmes occidentaux qui témoigne de sa volonté de questionner l’histoire de la photographie. Il utilise des négatifs en verre de type "chambre" des années 1890-1910 qui lui permettent de synthétiser acte pictural et image photographique ; l’action s’effectue à même la plaque de verre, sans l’emploi d’appareil photo.
Les négatifs sont ceux de portraits qui traduisent de manière éloquente l'ambition de la photographie de rivaliser avec la peinture. Les modèles sont des bourgeois de toute sorte, singeant dans les moments cruciaux de leur vie les poses altières des tableaux des musées. Gravant son empreinte au coeur de l’image, Raphaël Denis confronte le modèle à des éléments qui évoquent cicatrices et passage du temps tout en dénonçant les arrogances et les faussetés orchestrées du genre du Portrait.
Ses interventions sur l’image font ressortir l’individu en allant à l’encontre de la volonté de lissage et d’idéalisation initialement mise en oeuvre par le photographe. La pose figée, cherchant à imposer un statut, est contrebalancée par la rupture introduite par les outils qui grattent le vernis social et dépouillent les individus anonymes, aujourd'hui décédés, de ce qui les déguisait. Les dégradations qui expriment les douleurs et les machiavélismes qui règnent entres les êtres pourraient sembler purement sadiques, mais elles mènent avant tout à un retournement significatif des codes et des convenances qui donne davantage d’importance à l’individu qu’il n’en avait sous le masque de l’idéalité.
Les photographies de Raphaël Denis sont représentées par la “Galerie Kamchatka” à Paris et figurent dans le fonds photographique “Bridgeman Giraudon”.
Entre 2006 et 2008, ces photographies ont notamment fait l’objet d’expositions personnelles (à l’artothèque de Saint-Cloud ainsi qu’à la galerie Kamchatka) et collectives (à la galerie Off-Ample à Barcelone, aux Rencontres off de la Photographie à Arles ainsi que pour l’inauguration du Door Studios à Paris). Certaines ont été acquises par les artothèques d’Hennebont et de Saint-Cloud.