Parc des expositions du Wacken 7 place du Wacken 67000 Strasbourg France
Aucune cité mieux qu’Istanbul, ne pouvait refléter les transitions, transformations, bouleversements urbains et socio-économiques que subissent les métropoles aujourd’hui. Istanbul, la Ville par excellence, préfigure ainsi un nouveau projet d’apollonia : « e.cités… », consacré à la diversité culturelle européenne et plus particulièrement à la pluralité des expressions artistiques contemporaines.
« Rencontrer l’Europe – Istanbul », c’est avant tout un positionnement clair, celui de notre intérêt pour les situations limitrophes, non seulement géographiques, mais surtout culturelles et artistiques. Par le biais de nos expositions, nous contribuons à notre échelle, aux interrogations identitaires que peuvent rencontrer les sociétés à forte mixité culturelle. Nous nous penchons également sur ces subtils conflits qui opposent les cultures dominantes aux cultures et expressions minoritaires.
« Rencontrer l’Europe – Istanbul » se propose de présenter à un large public européen, quelques aspects de la création artistique turque. Inutile de préciser qu’il s’agit bien de certaines pistes, qui nous paraissent certes significatives et représentatives, mais en aucun cas exhaustives. D’une Constantinople byzantine à une Istanbul turque, la ville s’est construite à partir d’innombrables éléments issus de civilisations diverses, tout en étant elle-même la source d’inspiration de nombreuses cultures.
« Rencontrer l’Europe – Istanbul » se base sur la dualité éternelle du passé et du présent, sur la continuité, mais aussi sur les ruptures culturelles à travers le temps. Avec la présente édition, qui regroupe l’ensemble des manifestations organisées dans le cadre de cet événement, nous avons essayé, en nous appuyant sur des textes critiques et monographiques, de mettre au jour certaines clefs dans le but de mieux appréhender les différents aspects de la création contemporaine. À travers des interviews d’artistes, critiques d’art et galeristes, nous avons souhaité interroger et surtout susciter la réaction sur des questions fondamentales de la société turque, qui sont encore parfois source de malentendus avec nos sociétés occidentales. Nous avons justement voulu pointer quelques clichés et stéréotypes qui sont habituellement associés à la Turquie, à ses artistes et à sa création actuelle, comme la question de la femme ou de la religion, ou encore les éternelles interrogations sur l’orientalisme et l’exotisme. Le débat est lancé mais ce n’est qu’un début, tant nous sommes loin, me semble-t-il, d’une compréhension réciproque, loin d’arriver à ce que nous souhaitons tous, c’est-à-dire respecter, admettre et vivre avec nos différences culturelles.
Au-delà des agitations politiciennes sur l’identité nationale, il serait absurde d’imaginer nos futures sociétés en dehors d’un système de mixité et composite des pluralités culturelles y compris ethniques et religieuses. Strasbourg, ville également limitrophe, peut être la plateforme idéale pour poursuivre ces débats et ces actions. Le projet « e.cités… » c’est avant tout une rencontre avec soi-même, c’est se poser la question de l’Autre, cet autre qui est différent mais pas pour autant dans un rapport conflictuel ou destructeur. Il s’agit de passer à une société de la culture des différences.
Dimitri Konstantinidis
Directeur d’apollonia, échanges artistiques européens
Comment aborder la création contemporaine turque en évitant clichés orientalistes et stéréotypes exotiques ? Comment appréhender cette terre si lointaine et si proche à la fois ?
« Tamam », mot magique concentrant à lui seul une myriade de symboles et de représentations de la société turque, est le titre du volet contemporain du projet « Rencontrer l’Europe - Istanbul ». Quatre artistes révélateurs de leur temps, de leur culture, nous invitent à travers leurs œuvres à découvrir et tenter de saisir quelques aspects de la scène artistique turque.
L’absurdité et le paradoxe caractérisent relativement bien les images de Servet Kocygit. Bien que fabriquées de toutes pièces, les compositions et installations qui nous sont proposées s’imprègnent des situations antinomiques que l’on retrouve au quotidien. Motherland en est une belle illustration. Avec humour et ironie, l’artiste met en scène cinq officiers et une danseuse orientale, portée à l’horizontale et bercée à la cadence militaire. Cette association interpellante nous amène à réfléchir sur l’ambiguïté, la complexité et la contradiction du pouvoir (en l’occurrence militaire) qui nous protège tout en nous surveillant.
Gül Ilgaz aime aborder dans ses travaux la dualité qui peut s’établir entre le passé et le présent. En y associant de nombreux éléments autobiographiques, elle pousse ses recherches photographiques aux racines de la multi-culturalité stambouliote à l’image emblématique des rives du Bosphore. Jeunes filles plongées dans des ambiances et schémas purement imaginaires, mises en scène denses et complexes, sentiment étrange de familiarité et de renouveau, c’est avec un langage singulier et très référencé que Nazif Topçuoðlu nous invite à revisiter l’histoire de l’art mondial. Une démarche artistique unique qui nous interpelle et nous rappelle que les codes sont aussi là pour être dépassés, repensés. Pour finir, nous avons souhaité présenter le travail de Fikret Atay. Originaire de Batman, il porte en lui ce subtil et fragile équilibre de la société turque, composite et mosaïque de minorités. C’est avec une forte acidité et un point de vue critique qu’il aborde, par le biais de sa courte vidéo Theorists, les thèmes de la jeunesse et de l’éducation religieuse. Un des fondements essentiels en Turquie, à l’origine de nombreuses controverses tant au niveau national qu’international. Contradictions, incompréhensions nous amènent à nous questionner sur la contextualité de la création contemporaine, sur sa globalisation mais avant tout sur la survie des expressions et attitudes singulières. Ces œuvres nous éclairent également sur nos interrogations occidentales, nos capacités de coexister avec des personnes de cultures différentes et de cohabiter pacifiquement sur la base de schémas citoyens qui restent peut-être à inventer.
Dimitri Konstantinidis
Directeur d’apollonia, échanges artistiques européens
Au cours de ces dernières années, notre association, apollonia, échanges artistiques européens, a mis en place un projet présentant des œuvres de vidéastes de plusieurs pays d’Europe. Ce projet s’intitule « Regards projetés ». apollonia oeuvre constamment pour enrichir cette collection unique qui couvre d’ors et déjà de nombreux pays : Arménie, Georgie, Slovénie, Serbie, Macédoine, Moldavie, Bulgarie, Grèce, Pologne, Chypre, Hongrie, Roumanie, Malte, Bosnie- Herzégovine, Slovaquie, Belgique. À l’occasion du projet « Rencontrer l’Europe – Istanbul » nous avons décidé de confier la réalisation du chapitre turque aux critiques d’art çelenk Bafra et Ege Berensel. Présentée sous la forme d’une exposition, cette sélection nous offre un vaste panorama de l’utilisation du médium vidéo en Turquie, des premières expérimentations aux tendances les plus contemporaines.
Fikret Atay sera accueilli du 16 au 30 novembre 2009 à l’École Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg. Lors de sa résidence l’artiste va s’infiltrer dans le tissu culturel strasbourgeois en vue de produire une nouvelle oeuvre vidéo : King of the Ring, qui sera présentée en avant-première au public alsacien.
« Le hip-hop, apprécié par les jeunes est le symbole d’une rébellion s’exprimant à la fois comme une opposition et comme une réaction. C’est une manière d’exprimer son identité ainsi qu’un exutoire pour les populations exclues, pour tous ceux qui sont encore considérés comme des « étrangers ». Il donne une voix à ceux qui n’en ont pas, à la jeunesse en colère d’ici et d’ailleurs. Le hip-hop est né dans les rues, remplies de codes cachés qui attendent d’être révélés. Dans King of the Ring deux jeunes hommes se font face sur un ring de boxe et échangent des paroles à la place des coups. C’est un duel, un combat de mots. Le terrain de la lutte ! La scène se déroule sur un ring de boxe et l’un des deux doit triompher. Le silence de l’un induit le triomphe de l’autre. Le roi est maintenant couronné ! »
Fikret Atay