De Leibovitz à Salgado en passant par Depardon, les photographes saluaient vendredi une "première", après une décision de justice interdisant la vente aux enchères de quelque 160 de leurs clichés, au prétexte que ces tirages de presse n'avaient jamais été destinés à la vente.
"C'est une première juridique", se réjouissait auprès de l'AFP Agnès Defaux, de la société de droits d'auteur SAIF, également partie au procès. Selon elle, il n'est pas rare que les photographes s'arrangent "à l'amiable" avec les vendeurs, mais c'est la première fois qu'un tribunal reconnaît la propriété des auteurs sur les tirages de presse.
C'est en découvrant la tenue d'une vente aux enchères, lundi prochain à Drouot, que les photographes et leurs organes représentatifs se sont inquiétés.
La société Pierre Cardin Auction Art Remy le Fur et associés comptait en effet mettre en vente plusieurs photographies issues du fonds de la société Rusconi, éditeur de presse milanais devenu propriété du groupe Hachette.
Les photos litigieuses, datant d'il y a 30 ans, sont des tirages de presse, au format un peu plus petit que des tirages classiques. Avant l'avènement du numérique, les photographes adressaient en effet aux éditeurs de presse des tirages destinés à être reproduits dans leurs journaux et leurs magazines.
L'éditeur achetait alors un simple droit de reproduction, en fonction du format et du tirage, mais n'était pas propriétaire des tirages. Il se devait ensuite de les restituer. Mais bien des fois, il les a conservés.
Parmi les clichés mis en vente figurent des oeuvres d'Annie Leibovitz, Marc Riboud, Sebastiao Salgado, Gilles Caron et de 17 photographes de l'agence Magnum parmi lesquels Abbas, Raymond Depardon ou encore Robert Capa.
Estimant qu'une telle vente violait leurs droits d'auteurs, les photographes, leurs ayants droit ou leurs organes représentatifs, comme la SAIF, ont porté l'affaire en justice.
Ils soutenaient avoir remis ces tirages dans le seul but d'une exploitation au sein des magazines et affirmaient qu'Hachette Italie ne pouvait changer la destination des tirages.
Dans deux ordonnances consultées par l'AFP, la juge des référés du TGI de Paris Marie-Christine Courboulay leur a donné raison et a interdit à la société Pierre Cardin de procéder à la vente aux enchères des 160 photos litigieuses, sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée.
"Le coût de ces tirages a été supporté par les photographes et non par la société éditrice de presse", observe la magistrate pour laquelle la société Pierre Cardin Auction Art "ne peut sérieusement soutenir que le droit moral des photographes n'est pas mis en jeu par cette vente".
Jugeant qu'il existait "un danger imminent" pour les photographes "de voir leurs tirages dispersés définitivement", la juge a interdit à la société d'enchères de procéder à la vente.