Jean-Christian Bourcart
C’est absurde, mais j'ai juste cherché sur le Web la ville la plus dangereuse des États-Unis.
Je voulais retrouver cette étrange énergie qui se dégage des lieux où les règles et les contraintes sociales sont abolies ou affaiblies. Je voulais m’assurer qu’il est encore possible d’aller vers les autres, si éloignés, si étrangers qu’il nous paraissent.
En tête de liste, j'ai trouvé Camden, New Jersey, à deux heures de New York. En y allant, j'ai découvert le visage de la pauvreté ordinaire cachée derrière les stigmatisations et les stéréotypes. Les gens sont durs, mais les rires sont sincères, et quand je me suis fait braquer par une prostituée, elle m'a rendu dix dollars pour ne pas me laisser dans le pétrin.
Au début, je photographiais les junkies dans la rue pour deux dollars la séance. Et puis j'ai rencontré Suprême, que je paie 20 dollars chaque fois qu'il m'introduit dans une maison. Pendant que je shoote, il baratine les gens, prétendant être un étudiant en art ou un flic en civil.
Je suis intéressé par ce que nous avons en commun avec les gens de Camden. Mais à la fois, on photographie toujours une différence et je me demande à quoi ça sert de rajouter du spectacle au spectacle. Peut-être qu’il s'agit de produire des preuves matérielles au sujet de la grosse machine économique et sociale quinous embrasse et nous répudie. Comment on détermine la vérité - et ce qu’on en fait - est à la base de toutes les luttes sociales et politiques.
L'exposition est composée de 80 tirages de tailles variables, 20 textes écrits sur du paper photographique et une vidéo de 12 minutes. Le livre Camden est publié par Images en Manoeuvres (24 x 32 cm à la française, 144 pages, 100 photographies quadrichromie environ, 45 €, ISBN : 978-2-8499-5203-0)