Galerie Françoise Souchaud 35 rue Burdeau 69001 Lyon France
Bernard Langenstein
Né à Bron en 1952 vit à Lyon et travaille dans l’univers de la publicité 3ème génération de photographe, fait des études classiques de photographie. Nombreux voyages et collabore à de prestigieux magazines. Aujourd’hui, il présente une œuvre personnelle sur sa fascination du pays de l’Aubrac.
Envoûtantes balles champêtres
Elles sont posées là, empilées près des fermes, disposées le long des chemins, au fond des prés, à la lisière des bois, éparpillées, enchevêtrées, désordonnées, insolemment libres, mais étrangement intégrées dans le paysage.
Ces balles d’ensilage, extraites du terroir même et façonnées par l’agriculteur, apparaissent comme de gros fruits surnaturels , mais elles peuvent être vues aussi comme d’incontestables faits plastiques, comme d’authentiques œuvres d’art, car elles possèdent naturellement la puissance de certaines œuvres contemporaines, architecturales ou sculpturales.
Ces apparitions éphémères autant qu’irréelles, ont une vraie présence, une véritable qualité esthétique et une étonnante dimension poétique. Elles semblent porteuses d’une vérité aussi intemporelle qu’énigmatique.
C’est tout cela, en même temps que ce mystérieux processus de ré - humanisation des actes d’industrialisation agricole, qui fascine le photographe promeneur plasticien et poète, Bernard Langenstein et lui permet de nous en restituer ces somptueuses et envoûtantes images.
Pierre Souchaud
Bernard Langenstein
Bernard. Langenstein photographie une sphère esthétique insolite. Elle est constituée par les balles d’ensilement que les paysans abandonnent provisoirement, les livrant, installées dans le paysage, à leurs métamorphoses. En nous transmettant du monde rural cet agencement de formes potentiellement artistiques, il nous révèle qu’il y a peut-être, inhérente aux pratiques agricoles, une sorte d’intuition conceptualisante brute et inconsciente, capable de faire travailler automatiquement l’imaginaire. Mais c’est l’art de photographier de B. L. qui transmue ces balles versicolores, les faisant passer de leur présence utilitaire transitoire à un statut de formes esthétiques pérennes. La photo réalise leur potentiel visuel en actualisant les qualités expressives et sémiotiques de leur matière et de leur forme. B. L. ouvre la présence de ces balles à une altérité artistique en les plaçant dans une esthétique traversière qui les met en devenir. Nous les voyons alors aussi rigoureuses et abstraites que certaines sculptures minimalistes, aussi énigmatiques que les statues de l’île de Pâques : mouvante syntaxe plastique et rythmique. Chaque photo est également une surface de sociabilité, affiliant le monde rural à celui de l’art. Chacune d’elles, dans son amplitude et sa vigueur iconographique, nous interroge : quel rapport esthétique entretenons-nous avec le monde à travers chaque forme inattendue rencontrée, comment évaluons-nous l’absolue singularité d’une forme locale autonome, alors que nous évoluons sur le plan d’homogénéisation planétaire du cyberespace ?
Joël Couve
Balles
Balles belles bulles
Empilées entassées dispersées
Emballées emballeuses emballantes
Noires bleues blanches vertes ou grises
Apparues
Au détour ou au cours
D’un voyage d’un parcours d’un aller d’un retour
Dans un champ en lisière près d’un bois
d’une route d’un chemin d’une ferme
au soleil sous la pluie dans la neige
Disent
Signifient et témoignent
évoquent et questionnent
sur le labeur l’œuvre
l’éphémère la beauté
que nous offrent
le paysan plasticien
l’artiste
le photographe
Couvertes découvertes
Elles apparaissent
s’énumèrent
nous étonnent
Les balles rondes enrubannées.
Les réflexions, l’enchevêtrement, l’alignement, l’accumulation, le chaos, la géométrie, la brillance, la couleur.
Les balles rondes enrubannées laisseraient-elles paraître dans leur disposition le caractère de l’agriculteur, qui sans le savoir, jette sur ses terres, une œuvre éphémère, transitoire et digne d’un plasticien.
Elles sont là, esthétiques, empilées près des fermes, disposées le long des chemins, au fond des prés, à la lisière des bois.
C’est toujours surprenant, ces apparitions de l’agriculture moderne en décalage avec l’architecture traditionnelle.
Au fils de mes déambulations campagnardes, je n’ai pas su résister à l’envie de les photographier de façon obsessionnelle, elles sont pour moi comme un délire poétique de l’industrialisation agricole.
Bernard Langenstein