Istituto Italiano di Cultura 50, rue de Varenne/73, rue de Grenelle 75007 Paris France
Les Ombres d’Alain Volut sont celles d’une ville, Pompéi, qui a connu la destruction, qui s’est endormie sous un manteau de cendres et qui est devenue le symbole du rapport, parfois déconcertant, de l’homme avec la nature. Les ombres de Volut sont aussi celles de nos peurs, de nos fragilités, les ombres d’une ville, Naples, qui reste suspendue entre la vie et la mort, qui vit à l’ombre de cette grande montagne, le Vésuve, qui est à la fois créateur et destructeur. Dans cette installation, les ombres nous ramènent aux origines, aux grands questionnements de l’homme, à la relation entre l’infiniment petit et l’infiniment grand, à l’éphémère et à l’éternité. Le regard de cet artiste français, devenu citoyen de Naples, qui a su saisir avec ses photographies un aspect essentiel de la culture et de l’identité napolitaine était donc incontournable dans le cadre du cycle Visages de Naples.
Rossana Rummo
Directrice de l’Istituto Italiano di Cultura de Paris
Avec cette œuvre intitulée « Ombres », Alain Volut s’engage dans une démarche mêlant la photographie à des créations en trois dimensions ; en l’occurrence une installation qu’il conçoit à partir de différents éléments naturels - entre autres pierres et bois - et assemblés de manière à former un grand corps gisant. Le dialogue est complété par plusieurs reproductions en couleurs de fresques murales, l’ensemble trouvant l’essentiel de sa matière visuelle, de son inspiration, sur le site de Pompéi.
La part importante de ces « Ombres » est constituée de photographies : c’est le mode d’expression que l’artiste a d’abord privilégié et qui l’a fait connaître. L’une de ses premières séries se construit à partir de sujets qui sont déjà en soi des œuvres d’art : les créatures peintes par Ernest Pignon-Ernest et qu’il a photographiées dans les rues de Naples, annonçant ainsi les futurs développements de son travail. À Naples toujours, une ville qu’il a adoptée depuis de nombreuses années, l’éruption du Vésuve demeure dans tous les esprits ; celle qui a détruit Pompéi, mais aussi celle qui pourrait un jour se reproduire. « Ombres » est une restitution de ce passé en même temps qu’une évocation de cette menace. La contemplation des moulages de ces corps surpris par l’éruption du volcan constitue une expérience exceptionnelle que le photographe s’emploie ici à réactiver. Ses images soulignent notre perplexité devant la mort qui a arrêté ces êtres dans leur mouvement et les a proprement pétrifiés. Mais le photographe cadre également des instants de vie au milieu du ballet incessant des visiteurs autour des vitrines ; il fixe des interrogations, des dialogues, aussi bien que la solitude devant le mystère. Et en regard de ces scènes, il suggère l’histoire du site avant l’éruption. Les reproductions des fresques qui ornent les murs de Pompéi rappellent la vie enjouée de cette cité, en même temps qu’elles disent la lente désintégration de ces traces visuelles : certains des personnages peints sur les murs apparaissent comme des fantômes, des ombres précisément. Et en contrepoint de tous les mouvements que cette œuvre imprime entre le passé et aujourd’hui, entre présence et disparition, ne faut-il pas considérer l’installation du grand corps gisant comme le symbole d’une figure résistante, éternelle, voire religieuse, son auteur précisant qu’il fait explicitement référence au célèbre tableau du Christ mort du peintre Mantegna ?
Gabriel Bauret
Commissaire de l’exposition
Au travers de ce qui reste de la destruction de Pompéi, au travers des vestiges du temps - ici les fresques et les moulages -, lentement se révèle à nous un mouvement intérieur. En ce territoire où, malgré la force de la tragédie passée, et tragédie toujours possible, présente et à venir - le Vésuve étant un volcan actif -, malgré donc la présence réelle de cette force de la fin, la figure humaine traverse le temps. Son ombre imprègne les éléments, son reflet habite les empreintes de l’instant que sont les photographies, et son image resurgit comme force vitale en un corps composé par les forces de la nature : des bois et des pierres provenant des Champs Flégréens, des champs de feu donc. Paradoxalement, ce grand corps gisant est une figure de résurrection, une trace du vivant. Au terme de ce récit, un reflet humain marche et s’éloigne, allant au devant de soi, il se détache des moulages au sol. Ce mouvement et ces images sont le signe même de cette ville au-dessous du volcan, où périodiquement, mais aussi continuellement, de manière à la fois métaphorique et très concrète, des forces négatives, parfois telluriques, engloutissent tout, et où régulièrement des forces génératrices réémergent. Cette ville, avec cette montagne comme un double sein de feu, est maternelle. Elle nourrit et dévore. Une bataille infinie entre fertilité et finitude, entre mort et renaissance, entre imminence et immanence. Un lieu où une partie de nous “disparaît” et une partie de nous “continue”, entre éphémère et éternité.
Alain Volut
Alain Volut
Alain Volut est né en France en 1954. Il fréquente les milieux de la recherche théâtrale en France, en Pologne et en Italie, et participe à plusieurs projets cinématographiques. Il réalise, en tant que cinéaste, deux courts métrages documentaires : Forum Vulcani, sur Naples, et Paris XX, sur les enfants du vingtième arrondissement de Paris. Il travaille par ailleurs comme photographe avec diverses troupes de théâtre. En 1990, il s’installe à Naples où il se consacre au reportage photographique, collaborant avec les principaux quotidiens et magazines italiens et français, ainsi qu’avec l’agence parisienne Vu, en 1992 et 1993. Il réalise des reportages sur New York et sur l’Inde. A Naples, il documente toutes les interventions de l’artiste français Ernest Pignon-Ernest et en tire un ouvrage Vicoli della memoria (Les ruelles de la mémoire). Fasciné depuis toujours par les atmosphères des grandes villes européennes, il fait paraître une œuvre, Creature, sur l’enfance en Europe. Il publie une trilogie, Ombre, autour des moulages de Pompéi, dont le texte a été écrit par Bernard Noël. Il réalise une enquête photographique, Nel labirinto del tempo, sur la Province de Naples. Une sélection de ses photographies est conservée à la Bibliothèque historique de la ville de Paris. Son travail sur le métro de Naples, Napoli under ground, réalisé en couleurs et noir et blanc, intègre également une installation. Terre natale, son travail autour des Dogon, préfacé par Catherine Clément, a été présenté à la Conciergerie à Paris en 2007.
L’exposition est constituée comme un parcours comprenant deux installations et des statues africaines. Alain Volut explore le rapport entre la photographie et les sculptures/installations, révélant ainsi une autre dimension de l’image : une « anthropologie rêvée ». Son dernier travail, Au seuil du monde, porte sur l’Inde. Silvana Editoriale est une maison d’édition spécialisée dans le domaine des livres d’art, fondée en 1948 au sein du groupe Amilcare Pizzi, du nom d’un célèbre imprimeur milanais. Dès ses débuts, la maison d’édition a développé son activité dans le secteur du livre illustré, en concluant notamment des accords de coédition avec des éditeurs américains et européens. Parmi les publications remontant à cette période, nous rappellerons quelques titres importants : la monographie consacrée à Giotto et commentée par Carlo Carrà, le célèbre ouvrage sur Mantegna – considéré aujourd’hui encore comme un témoignage en couleurs unique, et fort précieux à ce titre, des fresques de l’église des érémitiques de Padoue qui fut bombardée quelques jours après le service photographique réalisé par Amilcare Pizzi – et la première édition italienne intégrale des lettres de Vincent Van Gogh.
Au début des années 70, Silvana Editoriale s’approprie la leadership dans le secteur de la réalisation et de la distribution d’ouvrages conçus pour d’importants instituts bancaires, désireux de valoriser le patrimoine historique et artistique de leurs territoires de compétence. C’est ainsi qu’ont vu le jour ces dernières années les collections pour le compte du groupe Cariplo, du groupe San Paolo, du Credito Italiano et de la Ras.
Au début des années 90, la maison d’édition élargit son activité et édite, à côté de ses publications traditionnelles, des catalogues consacrés à de grandes expositions, avec le concours des institutions chargées de la gestion de ces initiatives. Cette nouvelle activité éditoriale fut inaugurée par l’exposition « La Dame à l’hermine de Léonard de Vinci » (Rome, Milan, Florence, octobre 1998 - janvier 1999), qui sera suivie – pour ne citer que quelques exemples – par les expositions sur « Antonello de Messine » (Rome, mars-juin 2006), « Giovanni Bellini » (Rome, septembre-décembre 2008), « Canova. L'idéal classique entre sculpture et peinture » (Forlì, janvier-juin 2009).
Aujourd’hui, c’est avec succès que la maison d’édition fête ses soixante ans d’activité, en enrichissant son catalogue 2008 de plus de 400 nouveaux titres qui portent sur les disciplines les plus variées : de l’archéologie à l’art contemporain, du design à la photographie, de l’architecture à la communication.
Dans le même temps, Silvana Editoriale a cherché à développer son activité à une échelle européenne, en proposant d’une part des publications pour les marchés français, suisse, allemand et anglais, et de l’autre en collaborant avec de prestigieuses institutions comme la célèbre Bibliotheca Hertziana.
Pour plus d’informations sur la maison d’édition et son catalogue, nous vous invitons à visiter le site www.silvanaeditoriale.it