L’Ame brésilienne de Porto-Novo – Mémoires suspendues…
D'année en année, à Porto-Novo au Bénin (ancien Dahomey), les pluies détruisent les maisons des « Brésiliens » ou « Agudas »* et emportent avec elles un pan de l'histoire de l'Afrique liée au Brésil.
L'architecture Afro-brésilienne
Ces grandes demeures au style baroque, polychromes, aux couleurs pastels intenses, d'inspiration brésilienne, ont été construites en matière composite et en terre par les "Agudas" au XIXème siècle.
En rupture totale avec l'architecture locale, elles témoignent de la prospérité de l'élite Afro-Brésilienne.
Classées au Patrimoine culturel de la ville, ces maisons font l’objet, depuis quelques années, d’un projet de sauvegarde et de réhabilitation.
La photographe Catherine LAURENT est allée à la découverte de leur âme, empreinte de cette mémoire suspendue, la mémoire brésilienne.
* (esclaves affranchis revenus du Brésil ou descendants directs ou indirects des portugais et brésiliens) La photographe
Catherine LAURENT vit et travaille à Paris.
Photographe voyageuse et... amoureuse de l'Afrique, elle séjourne régulièrement au Bénin.
"J'ai commencé une série de photographies d'extérieurs et d'intérieurs de maisons "Afro-Brésiliennes" de Porto- Novo au Bénin, en 2000-2001. A la faveur d'un programme de réhabilitation piloté par l'Ecole du Patrimoine Africain (EPA) en 2007, j'ai pu pénétrer dans ces lieux dépeuplés et abandonnés. »
Derrière chaque image, l’artiste a voulu raconter une histoire, celle de la mémoire brésilienne de ces demeures.
Cette histoire transporte des valeurs et des visions de l'Afrique que nous ne connaissons pas ou peu, loin des "clichés" qui sont véhiculés. « Une Afrique à la fois ouverte, mystérieuse, pudique et intime. » Cette intimité, cette pudeur a été fixée à jamais par l’artiste afin que le « spectateur » s'imprègne de cette mémoire.
« Je les montre telles qu'elles sont, chargées de leur histoire, interrogeant le « spectateur » sur leur devenir. « « C'est un travail qui me ramène à la peinture, les matériaux, les couleurs » Une belle chromie de vert, rose, ocre, orchestrée en lignes pans et plans choisis pour leurs effets plastiques..
La lumière indirecte et naturelle valorise lignes et perspectives dans ce dédale d’intérieurs dépouillés.
Poétesse de l’image, l’artiste a su jouer du clair-obscur structurant et découpant le champ en un véritable théâtre d’ombres et de lumières créant ainsi des effets de contrastes. Les images s’imposent exprimant l’essence même de l’espace revisité. La vie est palpable, présente, gonflant le vide d’une force divine. Dans ce travail photographique intimiste, l’artiste exprime de profondes préoccupations qui touchent à la vie. L’expression picturale, totalement dépouillée d’artifices, s’offre accessible à tous.