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« Ce n’est qu’une question de point (s) de vue (s)… »
Tout moyen d’expression engage une implication personnelle. La photographie n’y échappe pas. Là, plus qu’ailleurs tout n’est qu’une question de point (s) de vue (s).
Le placement du sujet, son déplacement, l’opérateur devant immédiatement trouver l’angle dans son positionnement pour affirmer son point de vue. C’est souvent une perception anticipée de la situation qui va se produire.
Sa mise au point photographique, quel plan net ou flou, la profondeur que l’on souhaite donner à son image. Tous ces choix participent à offrir au spectateur ce que le photographe à décidé de montrer.
Une acuité visuelle observatrice, la patience, mais aussi une répétition attentive fait que parfois le bonheur photographique se produit. Se « reproduit » même…
Ce travail photographique, exposé à l’Arpac, montre des points de vues affirmés. Décidés dès la prise de vue, pensés pour également être retraités avec le logiciel informatique, comme pour la série en noir et blanc dans l’esprit « Holga », (appareil photographique de l’ère soviétique de qualité médiocre).
Je situe ainsi le sujet dans son cadre quotidien, mettant l’accent sur l’environnement urbain qui l’entoure, l’enveloppe, l’agresse parfois. Une vision réactualisée d’un certain humanisme. Certainement pas celui d’une époque où l’on plaçait l’homme au centre des préoccupations sociales optimistes de l’entre deux guerres. Celle simplement d’une « réalité » du quotidien, parfois tendre, triste, amusée, dérisoire… qui est tout autant la mienne.
Que ce soit la couleur, le noir et blanc, la verticalité, le carré… cet ensemble photographique donne une vision personnelle d’un nouvel « humanisme ».
Une « réalité » où se racontent des histoires. Où se rencontre le sujet, son contexte et moi-même. A chacun d’en interpréter ses sentiments, puisque que « ce n’est qu’une question de point (s) de vue (s)… ».
Jean-Michel Verdan
3 janvier 2009
Jean Michel VERDAN, au fil du temps...
Des petits carnets photographiques, noirs, bien reliés : douze, à raison d’une journée et d’un lieu par mois, c’est à travers eux que j’ai d’abord rencontré Jean-Michel VERDAN. Je débarquais pour la première fois dans une assemblée de photographes amateurs avec le projet d’apprendre un peu la technique. Quelques mots en exergue d’un de ces carnets évoquaient ces petits riens de la vie ordinaire qui méritent d’être regardés et partagés, et j’ai regardé. De cette soirée, je crois n’avoir gardé d’autre souvenir que celui-ci: je me sentais étonnamment concernée par ce que je voyais. C’était comme un voisinage. Ces photos-là me touchaient car elles étaient fortes et me plaisaient car elles étaient belles. C’était aussi simple, aussi évident. Il y avait là un regard personnel, chaleureux et singulier, sur l’apparente banalité des choses et sur le temps qui passe. En un mot, une écriture.
Ce qui me fascinait, me fascine toujours, chez Jean-Michel VERDAN, c’est sa manière d’aller vers le sujet choisi, de s’en approcher, de tourner autour, de chercher le contre-champ ou le surplomb, la latéralité ou le face à face, la confrontation - y aurait-il du toréador chez ce doux humaniste ? Je l’ai vu un jour, à une terrasse de café - un de ses haut lieux d’observation du monde - viser un personnage magnifique. D’abord l’affût, attentif, immobile, et en même temps léger, l’air de rien, blagueur, mais il voit immédiatement ce qui fait sens, comme une attirance magnétique. Alors commence l’approche, discrète d’abord. Mine de rien, presque sans bouger, il prend quelques photos. Puis il cherche le bon angle, se déplace, va s’asseoir à côté du personnage qui l’intéresse, engage la conversation avec le barbu, le clochard, la jolie voisine ou le chien de la vieille dame. Il parle beaucoup aux chiens ces temps-ci. Il entre en contact, discute, fait quelques clichés, et c’est magique, on ne voit rien, on dirait que l'appareil photo travaille tout seul …Comment fait-il ? Il va vite, je n’ose pas dire qu’il fond sur sa proie car la métaphore de la chasse ne lui va pas vraiment - je dirais plutôt qu’il se fond dans le décor, ou avec le sujet - j’exagère ? à peine…Il disparaît quasiment pour laisser surgir le visible, ou mieux le sensible de l’autre, celui qu’il a regardé.
Beaucoup d’autres choses à dire encore : son rapport à l’espace, aux lieux qui constituent son territoire photographique, ici à Montpellier, à Sète, à Palavas, dans les Cévennes, ses trajets, en vélo, l'appareil photo greffé sur le thorax - il faut pouvoir agir vite si un événement se produit. Mais aussi sa manière de bouger, de s’allonger s’il faut, de poser l'appareil par terre pour donner aux passants une stature de géants, de chercher des lieux surplombant pour au contraire les réduire à de simples signes. Son incroyable inventivité pour trouver d’autres manières de raconter ce qu’on voit tous les jours dans une ville… Il semble que rien ne soit trop ordinaire, trop pauvre ou trop usé, pour peu qu’on sache trouver le cadre, donner du sens. Dire aussi sa tendresse pour les gens, les vieux, les clochards, le quartier des beaux-arts.
Et il faudrait enfin parler de son rapport au temps, car ce travail photographique est un regard sur le temps qui passe, sur ces traces infimes qui marquent la vie de tous les jours. Il écrit avec les images une autobiographie au jour le jour, dessine des autoportraits pleins d’humour. Depuis quelques mois en effet il a entrepris un journal photographique : une photo par jour qu’il pleuve ou qu'il vente. Et il s’y tient. La pluie, il en fait une nouvelle expérience esthétique. Sur son blog il indique non seulement la date de chacune des photos mais aussi l’heure, à la minute près, comme une encoche précise dans la chair du temps. Car il aime la précision, le travail bien fait. Cet aimable dilettante qui se balade avec l’air dégagé d’un flâneur est un vrai bosseur, pire un perfectionniste ! Je l’ai vu retravailler longuement une de mes photos quelque peu approximative et embrouillée pour la rendre lisible, en faire ressortir « l’intention » comme il dit.
Ce que je dis ici s'inscrit ici au fil du compagnonnage photographique que nous partageons avec lui. Aux débutants, dont j’étais, il a donné confiance, il a appris à regarder, à trier, à choisir, sans concession pour les faiblesses mais indiquant toujours les possibles, encourageant à oser davantage, aidant sans compter. Un art au reflet de l'être: généreux et pudique.
Catherine SOUDÉ, le 27 février 2009