Musée de la photographie de Charleroi Avenue Paul Pastur, 11 6032 Mont-sur-Marchienne Belgique
«Protokoll», transcription phonétique du mot «protocole», est, selon une définition du Robert, un «Recueil de règles à observer en matière d’étiquette, de préséances, dans les cérémonies et les relations officielles».
Dans ce travail, réalisé entre 2003 et 2006, Christian Lutz montre avec ironie l’environnement dans lequel évoluent les politiciens, ministres et autres bureaucrates et s’amuse à mettre à jour les velléités de pouvoir qui structurent les signes extérieurs de la politique.
Christian Lutz nous fait ainsi découvrir les coulisses d’un univers étrange, la partie intime du domaine public, la convention d’un monde ordonné dans lequel l’individu se soumet aux conformités d’un système social.
Les gens qu’il photographie ne sont pas des célébrités et n’intéressent probablement pas les médias ou les «magazines people». Christian Lutz n’est pas à la recherche d’un moment spectaculaire, il capte des ambiances, souvent des instants «entre-deux», les attentes, l’ennui, la solitude avant la représentation presque théâtrale. Il nous fait ressentir les tensions et le stress, les différences sociales entre individus à travers une hiérarchie rigide qui semble dérisoire.
Son approche s’apparente à celle d’un sociologue ou d’un anthropologue ; il scrute un environnement très fermé comme on peut observer une tribu inconnue. Le plaisir de regarder ces images tient à cette curiosité que l’on a de découvrir la face cachée des choses. C’est d’ailleurs l’intérêt pour l’humain qui a amené Christian Lutz à la photographie. «Je traîne devant des portes jusqu’à ce que l’une d’elles s’ouvre».
Protokoll est un voyage qui commence en Suisse et se poursuit dans d’autres villes européennes, aux Etats-Unis, en Chine et jusqu’au Tibet.
Comme l’écrit Christian Lutz, «ces photographies ont été réalisées principalement à l’occasion de déplacements à l’étranger de plusieurs délégations du Département fédéral suisse de l’Intérieur.
Ce travail a été motivé par un rapport ambigu, fait d’attirance et de répulsion, que j’entretiens avec l’autorité, le pouvoir et les systèmes hiérarchiques.
J’avais l’intention depuis longtemps de confronter la photographie que je pratique à certains codes de comportement liés au pouvoir. Peut-être pour pouvoir mieux les tolérer ensuite.
Ma rencontre avec le Président de la Confédération suisse alors que je séjournais à New York en 2003 m’a permis de réaliser mes premières prises de vue.
J’ai d’abord dû faire face au temps nécessaire pour approcher les protagonistes de ce reportage, manquant beaucoup d’images à tenter de rattraper leurs limousines et étant souvent refoulé faute d’autorisations. Je me demandais continuellement quelle serait la dernière porte que l’on me laisserait franchir…
Par la suite, j’ai eu l’opportunité de me rapprocher franchement des personnages de mon histoire. C’est alors qu’il s’est agi de mesurer l’écart qui me sépare d’eux. J’étais le bienvenu au cœur de leurs activités, mais il m’a fallu prendre suffisamment de recul pour garder une distance critique.
Ce travail est le résultat d’un voyage à escales multiples dans un univers codé et clairement mis en scène dans lequel les scénarios sont écrits à l’avance.
Au retour de mes séjours à l’étranger, mes proches me demandaient de leur parler des endroits que j’avais parcourus. Je n’ai jamais su que répondre : je me suis toujours senti dans une bulle diplomatique fermée, traversant des milieux culturels différents mais rencontrant des personnages aux comportements identiques».
Marc Vausort
Avec le soutien de Pro Helvetia, Fondation suisse pour la culture