Arnaud Adida, fondateur de la galerie acte2 a décidé de créer un nouvel espace dédié à la photographie et à l’art contemporain, « A. galerie ». Située dans le 16ème arrondissement, près du Pont de l’Alma, entre le Palais de Tokyo et la Fondation Yves Saint-Laurent, cette galerie exposera des photographes mais s’ouvrira également à l’art contemporain. Pour sa première exposition, A. Galerie présente le travail de Martin Schoeller, réputé notamment pour ses portraits. Il est en effet un des rares photographes à avoir été recruté par le New Yorker après Avedon. Point de mise en scène ou de cadrage sophistiqué dans ces images. Les sujets fixent frontalement l’objectif dans une spectaculaire proximité. Martin Schoeller rentre avec une efficacité inouïe dans la personnalité de ses sujets. Qu’il s’agisse de David Lynch, de Pelé, de Jack Nicholson, de Marylin Manson, de Marc Jacobs ou de Cate Blanchett, on reconnait du premier coup d’oeil la lumière qui émane de ces photos et l’étonnant sentiment de révélation qu’elle procure. Parmi les photos présentes, on pourra découvrir une série concernant les femmes bodybuildées d’origine américaine. Offrant la double exposition de leur visage presque fragile et de leur anatomie surpuissante, ces images révèlent tout le paradoxe entre l’humanité des êtres et l’étonnante transformation que notre époque leur fait vivre. Une épreuve photographique en forme de méditation kafkaïenne.
PROPOS DE MARTIN SCHOELLER Le « Close Up » est peut-être la forme la plus pure ou radicale du portrait. Il créé une confrontation directe entre un sujet et la personne qui l’observe. C’est un rapport très profond qui est impossible à obtenir dans la vie de tous les jours. L’impact de ce type de portrait vient de l’expression statique mais aussi de l’économie d’informations donnée à l’observateur. Celui-ci se doit de lire un visage sans aucun élément venant de l’extérieur tel que le décor par exemple. Après avoir vu la série des réservoirs d’eau réalisée par les Becher en 1991, cela m’a beaucoup inspiré et j’ai eu envie de photographier un grand nombre de personnes de la même façon. Toutes les photos de la série Close Up ont été réalisées sous le même angle, avec le même équipement, mais j’ai essayé de faire ressortir leur vraie personnalité et de capter l’individualité de chacun tout en recherchant à la fois leur vulnérabilité et leur intégrité. Le plus difficile dans ce travail est d’essayer de saisir ce moment infime entre chaque expression, moment durant lequel le sujet est « inconscient ». Comme la plupart des portraitistes, je tente de capter cet instant où le sujet oublie qu’il est en train d’être photographié. J’essaye d’aller au delà de l’exercice classique de la performance faciale, pour atteindre quelque chose d’imprévu. En étant aussi objectif que possible, je reconnais que chaque mouvement du visage est tout de même un artifice. Les visages familiers sont traités de manière aussi minutieuse que les visages inconnus. L’inconnu et le trop-connu se rencontrent alors sur une même plate-forme imaginaire, on peut alors se permettre de les comparer, un exercice ou les notions de célébrité, de valeurs et d’honnêteté qui existent chez l’observateur sont entièrement remises en question.
Dans ma dernière série, « Female Bodybuilders », je me suis intéressé à un groupe de femmes qui exercent le même métier. En 2003, après avoir pris mon premier Polaroïd durant une compétition de bodybuilding, j’ai été frappé par la complexité multidimensionnelle de ce genre de portrait. Les contradictions étaient si apparentes, si nombreuses et si excitantes, que je me suis senti vraiment obligé de créer cette série hors du domaine de tout jugement, non pas pour célébrer ou condamner, voire même dévoiler, mais plutôt pour montrer. Nous nous retrouvons tous entraînés dans les mêmes idéaux étroits du bien, du juste, du beau, nous sommes tous sujets aux innombrables influences qui nous entourent. Les athlètes présentées ici ne sont pas différentes. Elles sont aussi vulnérables que chacune des personnes qui posent devant un objectif.