Chambre avec vues 3 rue Jules Vallès 75011 Paris France
Les reportages de Sarah Caron la conduisent depuis plusieurs années sur le terrain de violences et d’affrontements qui font souvent la une des journaux et influent sur le destin de régions du monde comme le Moyen-Orient ou l’Asie méridionale. Elle se retrouve face à des sociétés appauvries et déstabilisées par d’incessants conflits, eux-mêmes attisés par des différences de religion et de culture ; elle traverse des paysages désolés, mutilés. Elle témoigne d’incidents qui se répètent comme sur la frontière entre Palestine et Israël, de regains de tensions en Afghanistan et plus récemment au nord-ouest du Pakistan.
Mais ce qui l’intéresse, ce n’est pas tant l’actualité immédiate, le fait de guerre, que des situations humaines, sociales qui durent, s’enracinent. Son regard est entraîné vers des êtres dont le sort qui leur est réservé se résume souvent à une seule alternative : supporter silencieusement ou fuir. Et ce sont souvent des femmes, dont on imagine les épreuves qu’elles traversent, et qui continuent d’être mères malgré tout. Elle sait aussi déceler chez les hommes, soldats ou rebelles, des failles, dans le sens où durant les temps « faibles » de l’action, certains laissent transparaître des sentiments : de la solitude, de l’inquiétude, pour ne pas dire de la peur. Sur le terrain des conflits que Sarah Caron traverse, les gestes de la vie quotidienne ne s’arrêtent pas pour autant, et elle est sensible à cette continuité de la vie. Ce sont des moments d’intimité qu’elle parvient à retenir, souvent saisis dans la pénombre.
Cette exposition réunit des photographies de facture différente (noir et blanc, couleur, 35mm, moyen format), mais toutes portées par la même écriture, habitées par une même vision. Elles ont été réalisées dans le cadre de travaux de commande échelonnés sur les dix dernières années, au milieu des paysages et des sociétés les plus divers, de l’Europe à l’Afrique, en passant par l’Amérique. Elles portent en elles une part de document, mais certaines sont esquissées avec fébrilité et chargées de vibrations, de tensions. Sarah Caron nous dévoile ainsi un monde fragile, incertain, alors que les sociétés en question semblent être régies par des principes et des valeurs extrêmement rigides. Sans doute un homme n’aurait-il pas regardé cette fragilité avec la même attention et la même sensibilité.
Gabriel Bauret