Le Point du Jour 107 avenue de Paris 50100 Cherbourg-Octeville France
Pour sa quatrième exposition, Le Point du Jour présente des séries étonnantes, récemment découvertes en archives : les enquêtes sur l’habitat réalisées au début des années 1950 par un photographe du ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme, Henri Salesse.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le ministère de la Reconstruction et de l’Urbanisme (MRU) est chargé de la modernisation des infrastructures et des logements.
Le service photographique du MRU accompagne cette action, en documentant constructions anciennes et nouvelles.
Henri Salesse, qui y est salarié, produit de nombreuses images en Normandie dans les années 1950 ; un diaporama présente ici des vues de Cherbourg et des communes limitrophes. Elles montrent les vieilles maisons du centre-vile, ainsi que des bâtiments tout juste inaugurés et des maquettes de l’Amont- Quentin – un quartier d’habitat social aujourd’hui détruit. Entre 1951 et 1953, Henri Salesse réalise des séries plus développées dans des quartiers ouvriers : à Rouen et Petit-Quevilly, en Normandie, au Chambon- Feugerolles, près de Saint-Etienne, et à Montreuil-sous-Bois, en région parisienne. Ce sont ces quatre ensembles étonnants, et pour les deux derniers totalement inédits, qui forment l’essentiel de l’exposition.
Ces enquêtes sont conduites à l’occasion d’études sociologiques, commandées – à l’exception de celle de Rouen – par le MRU.
Elles témoignent d’une attention nouvelle à l’égard des milieux populaires urbains. Henri Salesse photographie ainsi l’architecture mais également les intérieurs, les rues, les jardins domestiques, les cafés, la lessive faite en commun.
La volonté de mieux connaître correspond aussi à une nécessité de convaincre. D’où la récurrence, dans chacune des séries, de portraits d’habitants dans des intérieurs délabrés ou d’enfants pauvres jouant dans les rues. Quelques-unes de ces photographies furent d’ailleurs utilisées pour les campagnes du MRU contre l’habitat insalubre.
Dans l’exposition, un courtmétrage sur les taudis de Rouen, Côté Cour (1950), rappelle la situation d’urgence et la vivacité du débat public, quelques années avant l’appel de l’Abbé Pierre.
Henri Salesse reflète pour nous le contexte intellectuel, social et politique d’une époque.
Néanmoins, ces enquêtes ne sont pas asservies à une neutralité scientifique ou à un sentimentalisme de propagande.
Dans le cadre défini d’une commande, elles manifestent au contraire la liberté d’un regard.
Par sa relation avec les gens dont il fait le portrait, son attention aux lieux qu’il représente, la qualité des cadrages et des lumières, Henri Salesse fait véritablement oeuvre de photographe.
Certaines images peuvent évoquer un « style documentaire » dans la lignée de Walker Evans, d’autres la « photographie humaniste » représentée par Robert Doisneau. Une vingtaine d’oeuvres de photographes français contemporains de Salesse permettront de mesurer ici proximité et différence.
Après l’exposition et le livre initiés en 2008 par le Pôle Image Haute-Normandie (Rouen), cette exposition largement augmentée illustre la richesse des relations entre oeuvre et document, histoire sociale et histoire de la photographie. De ce point de vue encore, les enquêtes d’Henri Salesse constituent une réelle découverte.
L’exposition Environ cent négatifs pour chacune des quatre séries d’Henri Salesse sont actuellement conservés par la photothèque du ministère de l’équipement, de l’aménagement du territoire et du développement.
Sur ce corpus, l’exposition présente plus de cent-cinquante tirages modernes au format 50 x 50 cm, dont une dizaine pour Montreuil et, respectivement, une cinquantaine pour Rouen, Petit-Quevilly et Le Chambon- Feugerolles.
Le diaporama réalisé sur Cherbourg et les communes limitrophes réunit une quarantaine d’images sur les soixante-quatorze identifiés comme étant de Salesse.
Cette présentation du travail d’Henri Salesse dans les années 1950 est accompagnée d’oeuvres contemporaines, appartenant au Fonds national d’art contemporain. Il s’agit de photographies de Robert Doisneau et Jacques Michaud dans les rues de Paris, de Jean-Philippe Charbonnier sur une famille de mineurs à Lens et de Pierre Boulat dans le bidonville de Gennevilliers.
Le film Côté Cour d’Henri Coignard (1950, noir et blanc, 10 min.) est diffusé sur moniteur dans l’espace d’exposition. Ce court-métrage consacré à un quartier populaire de Rouen appelle à l’éradication de l’habitat insalubre. Il est déposé au Pôle Image Haute-Normandie.
Autour de l’exposition Des rencontres avec des historiens de la photographie et de l’urbanisme éclaireront, durant l’exposition, les enjeux esthétiques et sociaux des enquêtes d’Henri Salesse.
Première rencontre : dimanche 25 octobre à 15h30 avec Didier Mouchel, commissaire associé de l’exposition.
Responsable de la photographie au Pôle Image Haute-Normandie (Rouen), Didier Mouchel a découvert le travail d’Henri Salesse dans les archives du MRU en 2007.
Il est l’auteur de Henri Salesse. Enquêtes photographiques, Rouen 1951 et Petit-Quevilly 1952 (Gwin Zegal, 2008)