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Tout a commencé à bord d’un de ces gros bateaux, ceux qu’on voit habituellement amarrés vers la gare Orsetti à Sète. On se surprend à rêver de départs…
Et puis ce jour arrive.
Sète s’éloigne doucement et nous voici en mer. Quand on ne voit plus du tout la côte commence alors une autre vie.
Elle va durer 36 heures. 36 heures de Maroc en plus comme dit la publicité !
Que faire de ces heures ?
On visite le bateau, on découvre sa cabine, les bars, les passerelles, le restaurant, les couloirs. On croise des gens. Comme nous, ils errent à la recherche d’une occupation. Certains râlent -rien ne se passe comme prévu- d’autres, n’ayant pas le pied marin, sont déjà malades.
Les autres, sereins, flânent, regardent au loin une terre qui s’éloigne, une autre terre qui se rapproche. Là commence le rêve.
On sait très bien où l’on va mais pendant ces quelques heures on va l’oublier, on ne sera plus d’un côté ni de l’autre. On sera dans cet ailleurs.
La mer.
Vitesse de croisière 18 nœuds. Un énorme cylindre tourne à 360 tours. Soit plus de 10 fois la vitesse d’un disque au temps du vinyle. La musique n’est pas la même.
Une sorte de souffle chaud et sec.
Descendre dans les rouages est une autre aventure.
Le bateau, ce fabuleux trait d’union entre les deux rives avance à son rythme.
Sète et Tanger villes-miroirs.
Un homme s’interroge : « peut-être qu’avant elles formaient une seule et même cité ? Puis la mer les a séparées, éloignées et maintenant, coupée en deux, la ville aux deux continents se contemple, miroitante, sur ses eaux jumelles… »
Un passager parle du côté désuet du ferry qu’il apprécie. Il ne se voit pas rentrer à Paris d’un saut de puce… « 36 heures c’est pas grand-chose mais il se passe plein de choses…le temps s’étire».
Un autre voit le bateau comme un skate-board qui glisse…
Ce bateau qui pendant que les gens se confient, nous berce en longeant l’Espagne.
Le lendemain on a pris ses marques. On discute. Des amitiés se nouent. On raconte des destinations. On parle du Maroc, de l’Afrique… Certains ne disent rien, ils observent.
Pour ce couple, croisé près d’un hublot, «une cabine à deux c’est comme être à l’hôtel avec vue sur la mer, c’est comme une ville en plus, qui bouge !! »
Le commissaire de bord nous confie qu’il ne voulait vivre ni en Europe, ni au Maroc, attaché aux deux continents il a demandé à Dieu une solution et voici son rêve exaucé, il vit entre les deux rivages…Un sourire aux lèvres, il rajoute « la mer… c’est notre mère ! »
Le détroit s’amorce. Tanger apparaît, souriant à Sète qui lui envoie ce nouvel arrivage ; les passagers s’échappent vite à pied ou en voiture, en moto ou en camping-car et se dispersent dans la ville après avoir échangé des numéros ; on promet bien sûr de se revoir…
Tout a commencé un jour comme celui-ci.
Nous nous sommes dit qu’il y avait là un magnifique sujet.
Nous l’avions ébauché avec quelques photographies prises de-ci de-là. Une attitude, un détail.
Plus de 100 000 navires franchissent le détroit de Gibraltar chaque année.
Rapporter ces témoignages, ceux des passagers qui vont y passer quelques heures, ceux de ces gens qui vivent à bord plusieurs mois sans escale, capter les complicités, les différences, les attentes nous apparaît tout aussi passionnant.
Souligner à travers ce travail le petit trait d’union que trace le bateau entre Sète et Tanger puis entre Tanger et Sète, inlassablement, traversée après traversée,jusqu’à ce que son empreinte commence à murmurer aux flots qui le caressent tout le bonheur de cette aventure, de ce rituel.