Dès les années 1970, les premiers travaux de Barbara & Michael Leisgen se placent en contrepoint de la photographie conceptuelle, notamment celle menée par l’école typologique de Dusseldorf de Bernd & Hilla Becher. Les séries dont sont issues les cinq images du Frac se situent dans des pratiques à l’œuvre depuis le début des années 1960 : enregistrement d’une empreinte naturelle, recherches autour du corps et expérimentations du Land Art. La silhouette de Barbara Leisgen est mise en scène dans des paysages et y inscrit sa trace de manière éphémère : les actions consistent à tendre ses bras pour suivre les formes d’étendues vallonnées (séries Paysage mimétique et Mimesis_), ou à inclure le soleil dans un arc de cercle dessiné par son bras alors qu’elle est placée de dos au centre de l’image (_Die Beschreibung der Sonne). Si le titre de cette dernière (comme celui d’une qui lui est postérieure, Écriture de soleil), revient sur l’étymologie grecque de la
première «photographie», l’«héliographie» de Nicéphore Niepce – «helios-graphein» : écriture avec le soleil – elle est conditionnée par la volonté de l’être humain qui la cadre. Celui-ci ne fait donc pas qu’imiter la nature par ses gestes, il la décrit, au sens où il la trace, il la canalise aussi. La réappropriation du paysage s’opère alors sur un mode subjectif. Ce que tendent à induire des inscriptions sur calques superposés aux photographies de Paysage Mimétique et Mimesis, la nature produit des ressemblances, alors que le titre de cette dernière explicite la démarche qui est de partir du geste corporel. Lequel dompte en quelque sorte les éléments naturels contraints de suivre l’humain. Les images rappellent les visions du romantisme allemand et notamment les peintures de Caspar David Friedrich dont le tableau Morgenlicht est le modèle figuratif des Mimesis, mais son paradigme de sacralisation de la nature est amendé. On pourrait voir là une perspective romantique anthropocentrique, telle que le romantisme français a pu en proposer. Et pourtant, malgré l’aspect sublime des scènes photographiées et la préciosité des tirages qui, au-delà du noir et blanc, permettent d’imaginer un chromatisme dans la fulgurance lumineuse, leurs images renvoient aussi à la naïveté de la photographie-souvenir et à sa nostalgie intrinsèque. Le regardeur y est lui-même placé dans une perception spéculaire : il est amené à contempler une femme en train de poser dans une étendue naturelle. En cela, les Leisgen sont les précurseurs d’approches paysagères actuelles qui reposent simultanément sur un point de vue moderniste et postmoderniste, comme les images de Torbjørn Rødland et d’Ilkka Halso.