Les Greniers à Sel rue de la Ville 14600 Honfleur France
La vocation photographique de Yan Changjiang est née d’une rencontre : celle qu’il fit en 1977 au temple de Gaozhu de figurines de papier destinées à être brûlées lors de cérémonies funéraires afin d’honorer et d’aider les défunts dans leur existence de l’au-delà.
"La vocation photographique de Yan Changjiang est née d’une rencontre : celle qu’il fit en 1977 au temple de Gaozhu de figurines de papier destinées à être brûlées lors de cérémonies funéraires afin d’honorer et d’aider les défunts dans leur existence de l’au-delà. Bouleversé par ces représentations éphémères et fragiles, image de l’impermanence de la vie humaine, Yan Changjiang va durant dix ans revenir régulièrement à Gaozhu pour mettre en scène ces figurines dans un bois de bambous proche du village et y composer des tableaux, cherchant à retrouver à la fois l’émotion première ressentie lors de leur découverte et la jubilation des jeux de son enfance. Il crée ainsi un monde qui se situe entre réalité et fiction, nature et artefact ; un monde où ces intermédiaires que sont les êtres de papier, messagers entre les vivants et les morts, sont les héros d’aventures extraordinaires, voyageant à cheval dans des contrées merveilleuses, soumis à des épreuves incessantes, touchés par des amours sublimes, s’envolant dans les airs et finalement disparaissant en fumée, puisque tel est leur destin.
Yan Changjiang aime mélanger les époques et les genres : ses compositions en noir et blanc doivent autant à la tradition picturale-littéraire chinoise pour la forme qu’à l’art conceptuel contemporain pour la démarche. Dans un jeu à la fois drôle et grave, il se plaît à explorer les résonances poétiques et philosophiques des scènes qu’il crée dans lesquelles il mêle passé et présent, vie et mort. Jamais il ne cherche à masquer l’artifice : la naïveté revendiquée de ses tableaux, la modestie des moyens mis en œuvre, le refus de l’illusion réaliste participent de sa conception de l’homme et de la vie. Mais le travail de Changjiang est aussi un témoignage sur un art traditionnel chinois sur le point de disparaître : celui de confectionner et de peindre des figurines de papier vouées peut-être à pire sort que le feu : celui de l’oubli."
J.-C. F.