
Les Greniers à Sel rue de la Ville 14600 Honfleur France
Le barrage des Trois Gorges sur le Yang-Tsé figure parmi les projets les plus grandioses de notre époque. Il s’inscrit dans la continuité des grands travaux lancés au cours des siècles par les empereurs chinois puis repris par le volontarisme prométhéen de Mao qui ordonnait que « se courbent les montagnes et se détournent les rivières ».
"C’est finalement en 1994 que débute la construction du plus vaste complexe hydroélectrique jamais réalisé qui devrait être mis totalement en service cette année.
De ce chantier colossal où il a effectué plusieurs séjours sur une durée de trois ans, Bruno Delamain a rapporté de délicates et fragiles images aux déclinaisons de gris raffinés, directement inspirées de la peinture ancienne chinoise. Du chaos de rocs et de béton, de la fourmilière humaine, de la gigantesque digue, il nous offre la vision d’un paysage onirique en constante mutation, constructions éphémères, presque fragiles d’où émergent les silhouettes élancées des grues, les masses compactes et indécises des falaises et des montagnes, la fuite des canaux dans le sfumato d’une brume permanente où l’espace se dilue. La prédilection de Bruno Delamain pour les chantiers qu’il conçoit comme « le vrai moment de vie des édifices, le reste n’étant que mort lente » l’amène à photographier chaque étape de la construction comme autant de formes achevées, échappant à leur fonction future, révélant un instant des secrets qui ne seront plus visibles une fois l’œuvre achevée.
En se référant à la peinture chinoise par la composition, le format en rouleau vertical, l’emploi du noir et blanc, l’adjonction de poèmes calligraphiés composés par des artistes de la province, Bruno Delamain fait sien l’objectif d’un art qui se propose moins de restituer l’apparence des choses que d’exprimer le sentiment de l’artiste, d’amener le spectateur, par la contemplation des formes et le libre déploiement de son imagination dans les espaces vides, à une méditation poétique sur l’unité de l’homme et du cosmos. Paradoxal (et malicieux ?) dessein que de nous amener à une telle réflexion à propos d’un des plus orgueilleux défis lancés à la nature."
J.-C. F.