Les Greniers à sel rue de la Ville F-14600 Honfleur France
Il s’agissait à l’origine de simples photos de repérage prises depuis le T.G.V. Paris-Valence dans lequel Gérard Dufresne effectuait de fréquents allers-retours. Leurs coordonnées soigneusement notées, ces images devaient initier un travail sur les lieux répertoriés. Mais c’est l’expérience visuelle du déplacement rapide qui allait devenir l’objet premier de cette série.
Le nez collé à la vitre, le regard glissant de la calme ligne d’horizon au premier plan qui fuit le long du train, Gérard Dufresne saisit parcelles, lisières, bosquets, granges ou murets pour nous en restituer les traces évanescentes, dématérialisées par le mouvement.
Le paysage est une notion mentale hors de laquelle il n’y a que profusion et confusion, une organisation esthétique du monde, une projection culturelle sur la nature. Pour le voyageur du XXIe siècle qui traverse la campagne en TGV, la perception du territoire est conditionnée par la vitesse, produit d'une civilisation des flux rapides qui redéfinit les notions d'espace et de temps et aspire à l'instantanéité. Alors que d’ordinaire le temps est absent de la représentation du paysage, symbole de la stabilité et de la pérennité du monde, il pénètre ici toute chose, façonne un espace d’où la troisième dimension est presque absente, réduit à une juxtaposition de plans, de textures centrifugés autour d’éléments parfaitement nets : points d’arrimage dérisoires d’une réalité inconsistante, fugace, sans repères, sans hiérarchie et qui perturbe nos habitudes. En réduisant le paysage français à quelques-unes de ses composantes élémentaires, il nous en livre ici la quintessence à travers une vision « impressionniste » qui, paradoxalement, ne doit rien à la tradition picturale.
J.-C. F.