Galerie Dominique Bouffard 1000 Amherst, suite 101 H2L 3K5 Montréal, Québec France
À partir de photographies prises d’un lieu, sous divers angles et pendant un laps de temps plus ou moins long, je compose mes photographies. En ce sens je ne fais pas des photographies, je les construis et donne à voir un temps et un espace élastique. Photographier, c’est saisir le temps en l’espace d’une fraction de seconde, retenir cet instant qui déjà est passé, l’immortaliser et pouvoir le revivre pour toujours grâce à cette trace que nous laisse le tirage photographique. Moi, ce que je tente de faire, c’est réduire en une image le temps qui passe. Je veux photographier le mouvement. Je capte tous ces instants et je les synthétise. Je n’en choisis pas un, mes plusieurs dizaines. C’est à partir de ces fragments bruts que j’invente un moment et un espace, captant le passage des gens, du temps qui passe, de la lumière changeante et d’un décor mouvant. Tout prend soudain une autre forme. La ville est transfigurée et devient une invention d’elle-même. Je brouille les pistes et réinvente un monde à la fois vrai et faux, possible et impossible, présent et en même temps terriblement changeant et éphémère. Mes photographies veulent donner à voir l’unité d’un lieu, d’un espace urbain, formés de mouvements multiples. Ces unités en équilibre instable, presque cristallisées, doivent continuer de bouger sous notre regard. Elles bougent sans bouger, fixent sans fixer, s’établissent dans ces paradoxes. Je veux montrer que ce qui est fluide, passager, transitoire se cristallise soudain en une forme.
Est-ce une invention ou une interprétation du réel? La photographie n’est elle pas un mensonge fait de vérités? Elle juxtapose le réel et l’imaginaire. Elle confond ces deux perspectives comme si elles étaient fondues l’une dans l’autre. “L’art est un mensonge qui nous permet de dévoiler la vérité“ a dit Picasso.
Cette démarche particulière ne cherche pas à représenter ou restituer un moment ou un lieu précis, mais donne à voir une interprétation faite de vérités. Elle en invente d’autres, questionne le vrai et le faux, le fixe et le mouvant, le permanent et l’impermanent, le changement et l‘identité et nous amène à faire un va et vient entre ces perspectives. Ces instants, ces lieux décomposées puis recomposées autrement, font en sorte que ce soit la même chose mais tout autre chose en même temps.
J‘aimerais donner à voir des climats, des tonalités de lieux, de durées. Car il est question de temps ici encore, mais au sens du temps qu’il fait. Est ce un temps d’angoisse, de rêve? De nostalgie ou de mélancolie? Est il possible d’opérer tous ces bouleversements plastiques en débouchant cependant sur une certaine beauté, une poésie? Ces questions font également partie de ma recherche. Ce serait alors comme si l’on se trouvait dans la beauté d’un monde autre, en un voyage ou un ailleurs N’est-ce pas ainsi que les paysages de nos rêves se présentent? Cela est possible, croyons-nous, mais en même temps cela n’est pas réel. Ceci est là, présent mais pourrait disparaître, nous fuit- reste insaisissable- et nous étreint.