Atelier De Visu 19 rue des trois rois 13006 Marseille France
Ma mémé américaine 1993-1999.
Il y a deux histoire. D’une part, celle que racontent les images de Nina Korhonen, qui, entre 1993 et 1999, est allée régulièrement aux États-Unis photographier sa grand-mère, Anna, installée là-bas.
D’autre part, celle de cette Anna, finlandaise qui un beau jour de 1959, à 43 ans, a quitté sa famille pour aller vivre l’aventure américaine. Cette femme est restée aux États-Unis jusqu’à sa mort en
1999, à 83 ans. Et puis il y a une troisième histoire, celle que peut se raconter toute personne qui regarde ces photos, essayant de faire le joint entre les deux premières. Compliqué? Oui, forcément un peu, mais le rapport aux images est rarement simple.
Bougeotte. Tenons-nous en donc à la troisième histoire. Le Centre Culturel Suédois présente une vingtaine de grands et beaux tirages couleurs, dont le sujet principal est une grand-mère qui a l’air en forme. Le sujet secondaire, c’est l’Amérique, que l’on voit en fond et au bord du cadre: Manhattan, la Floride, des voitures, des produits de consommation. Ces images sont extraites d’un ouvrage qui, en Suède, a été consacré meilleur livre photo en 2004. D’origine Finlandaise, Nina Korhonen vit et travaille en Suède depuis vingt-cinq ans. Cette famille a décidément la bougeotte ( le grand-père était marin au long cours).
Au fil de l’expo, on passe de Manhattan, où la grand-mère a travaillé comme cuisinière chez des particuliers, à la Floride où elle est restée en rééducation après avoir été renversée par une voiture.
Chemin faisant, on a le sentiment que la petite fille photographe change de projet. Au début, c’est «ma grand-mère aux États-Unis» mais à la fin c’est «ma grand-mère tout court». Il n’y a plus qu’elle dans l’image, ou presque. Le pays, si photogénique, s’est comme effacé; la vieille femme, qui l’était à priori si peu, s’est imposée. Une nouvelle relation s’est nouée entre les deux femmes. Elles disent ensemble quelque chose qui est plus grand qu’elles deux réunies, bien qu’on ne sache pas si elles en perçoivent la nature: une petite-fille accompagne sa grand-mère vers le tombeau.
Édouard Launet