La Fontaine Obscure Impasse Grassi 13100 Aix-en-Provence France
Cette série s’intitule « polaroid Generator » du nom du script que j’utilise pour la réaliser.
J’ai récupéré pendant quelques mois de nombreuses images sur internet.
La plupart proviennent de blogs qui sont des journaux personnels en ligne permettant à un internaute de publier régulièrement des informations personnelles.
Ces images posent la question des limites entre l’espace privé et l’espace public.
J’observe, j’isole et transforme ces images vulgarisées (qui ne sont pas protégées par des droits d’auteur).
Certaines me touchent par leurs formes, leurs potentialités plastiques et leur caractère humanisant..
Ces images ne sont pas des œuvres d’art au départ, elles sont seulement des instantanés.
Je prélève et découpe, manipule et projette mon regard comme le ferait un autre photographe sur le monde. En somme ces images des blogs sont des formes ouvertes.
Entre fiction et réalité, de nouvelles images se matérialisent.
Le corps est au centre de ma problématique.
Le choix de mes images se porte sur le monde des adolescents, ils me touchent par leur beauté naturelle et leur énergie incontrôlable…
Mon regard se pose sur une société urbaine dans laquelle une jeunesse fragile se déplace.
Entre marginalité feinte et volonté d’appropriation du monde, l’adolescent s’ouvre aux espaces de la ville et tout son potentiel dramatique.
L’espace urbain est toujours, ici, mis en perspective par rapport aux corps.
Dans les agglomérations urbaines, le skateboard est peut-être une porte d’entrée privilégiée pour capter l’univers des adolescents.
A la base, les images collectées sur internet sont de très faible qualité, grâce au script, je réalise de faux polaroids dont le format final est plus grand qu’un polaroid standard, ce qui lui confère une meilleure définition et une plus grande présence physique.
J’obtiens des images objets.
Cet outil est un formidable moyen d’interroger les images virtuelles.
Les photos les plus simples voire les plus pauvres sur le plan formel trouvent une valeur d’iconicité qu’elles n’ont pas au départ.
Avant de lancer le script je recadre l’image, et par cette simple opération de découpage, je m’approprie déjà l’image.
La série de polaroids est présentée sous la forme d’une bande de 6 photos, pour laquelle je travaille la couleur, l’espace et le mouvement.
Sans se constituer en séquence articulée comme au cinéma, l’association des images par bande, construit un linéaire qui recompose un tissu vital, intime, social et urbain dans lequel le particulier qui fonde l’image d’origine, trouve un étrange écho d’universalité.
Les images des blogs sont éphémères et se donnent gratuitement aux spectateurs. Je choisis mes images et je dévoile virtuellement mes faux polaroids comme si j‘avais vécu ces instants. Je suis dans une fausse immédiateté, mais habilement par le choix de ces images je donne à ces faux polaroid tout leur sens.
Ici le traitement de l’intime est différent sans doute par l’opération de subversion que constitue l’appropriation que je fais de ces images. C’est comme si cet espace intime se reconfigurait en se relogeant dans des niches, au creux de petits territoires vécus qui renvoient à une vision plus universelle.
Ces visages et ces paysages sont comme une carte mentale de l’intime et du privé.
C’est une fresque humaine tout en mouvement dans les espaces de la ville.
La puissance de ces images me retient par leur force vitale, la quête de marginalité ou la revendication d’une différence dans un monde qui s’uniformise, dénué de fantaisie ou d’espoir...
Mathilde Maccario