Musée de la Chasse et de la Nature 62, rue des Archives 75003 Paris France
On entre dans une vaste salle obscure intégralement tapissés de fulgurances d’images en noir et blanc : un mur percé de deux passages vacille sous la projection d’un sol de sous-bois ; de l’autre côté, des miradors, postes d’affût pour la chasse, dansent littéralement sur toute la longueur de la galerie. A ces paysages mouvants répondent les écrans posés au sol. Là, mystérieusement suspendue par l’effet de ralenti, la démarche d’un homme de dos, fusil en bandoulière, qui s’éloigne dans l’épaisseur du taillis. Ailleurs, c’est l’horreur et la fascination d’un sanglier qui se fige dans la mort ou l’abstraction d’un théâtre d’ombres avec ces branches d’arbres qui s’animent et se détachent pour laisser deviner la silhouette fuyante d’un cerf. Le citadin se trouve plongé dans un espace d’inquiétude, de malaise, de peur ancestrale face à la nature qu’il ne connaît plus. Aucune information ne lui est délivrée sinon l’expérience de sa propre impuissance, de sa fragilité face à l’inconnu. Cette expérience joue sur des souvenirs qui remontent à la surface : le sol tourbillonnant des rondes d’enfants pratiquées jusqu’à l’épuisement, la perte de conscience ; les images des miradors banalisées par la télévision au point de former le « dekor » de notre quotidien ; un tapis de silence. La présence des animaux oscille entre l’inquiétude des contes de Grimm et la présentation de l’interdit de notre société : l’agonie. Le cerf se détache du végétal et le sanglier, dans un dernier sursaut, de la vie. Combien de temps cela va-t-il durer ? La qualité des contrastes de l’image nous ramène au début du cinéma russe, amplifiant le sentiment d’urgence mais laquelle ? L’artiste n’apporte aucune réponse. Elle met en scène les questions fondamentales qui nous traversent. Roaming : Installation vidéo, 2008, Cameras/Tania Mouraud/ Marie-Odile Sambourg. Son: Tania Mouraud. Montage : Tania Mouraud. Lieu de tournage : Parc de Belval (Ardennes). Production : Musée de la Chasse et de la Nature. Borderland (2008) : Photographies sur papier Fine Art/encres pigmentaires. En complément de l’installation vidéo, sont présentées des photos de la série Borderland. Ce travail, réalisé dans la campagne ardennaise, aux environs de Belval, aborde le rapport de la photographie à la peinture. A cette fin Tania Mouraud a capté les reflets déformés du paysage environnant dans ces énormes ballots en plastique noir qui servent désormais à envelopper la paille ou le foin dans la plupart des campagnes françaises.
COMMISSAIRE : CLAUDE D’ANTHENAISE
LIVRE : ÉD. GALLIMARD – LE PROMENEUR .