Clair de Lune

Présentation de plus d’une centaine de cartes postales photographiques ou dessinées de 1900 à 1914, sur le thème de la Lune, sous tous ses aspects, et adaptées aux diverses péripéties de la vie quotidienne.

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    De nos jours vous ne trouverez sur les présentoirs des distributeurs de cartes postales que des paysages où le ciel est invariablement d’un bleu sublime et éclatant, rivalisant avec l’azur de la mer qui reflète la lumière du soleil. Tout est conçu pour célébrer le culte d’un été qui ne finira jamais, des corps nus et bronzés allongés sur le sable, bref, une image stéréotypée du bonheur sous un ciel sans le moindre nuage.
    Il n’en a pas toujours été ainsi.
La Lune, depuis qu’elle existe exerce une influence bien réelle sur la terre et les terriens. Dans les plus anciennes civilisations qui l’avaient déifiée, elle faisait l’objet d’un culte rattaché à la fertilité.
    Pour les astronomes elle est restée longtemps une énigme dont ils tentaient de percer les secrets.
    Pour les cultivateurs elle servait de calendrier pour rythmer les plantations et les semailles. Enfin la Lune provoque des marées.
    L’astre de nos nuits a toujours fasciné les humains. On peut la retrouver au coeur de nombreuses légendes. Elle a inspiré quantité d’artistes et elle est très présente dans les poésies et les chansons populaires.
    En raison de cette lourde hérédité, lorsqu’en 1900 débuté l’Âge d’Or de la carte postale, les créateurs en tous genres vont non seulement nous promettre la lune mais également nous la montrer pour contribuer à notre bonheur.
    Parce qu’elle est chargée de mystère, qu’elle suscite des sentiments romantiques, que tous les « Pierrot et Colombine » aiment à batifoler sous la Lune, et qu’enfin pour les amoureux elle peut être « de miel », la Lune va figurer sur de nombreuses cartes postales.
    Avec Georges MELIEZ le cinéma à peine né avait déjà été l’occasion d’un voyage dans la Lune, succédant au fameux « De la Terre à la Lune » de Jules VERNE.
Mais avec les cartes postales pour un prix dérisoire, tout le monde va avoir accès à la Lune. Il s’agit d’un espace tout a fait irréel, détaché des contingences terrestres, que ces images nous invitent à parcourir.
En ce qui concerne les plus anciennes cartes postales  photographiques représentant des paysages au clair de Lune, ils sont constitués par d’habiles trucages, qui semble-t-il ont eu un énorme succès lors de leur mise en vente.
On retouchait un cliché réalisé en plein soleil, on l’assombrissait et on rajoutait des étoiles et la Lune dans le ciel. On peut retrouver de nos jours ces cartes postales, représentant exactement le même paysage, pris sous le même angle, vu de jour ou vu de nuit, composé à partir du même cliché original.
Pour créer une meilleure illusion, certaines cartes présentaient des éléments découpés : fenêtres, portes, lucarnes, étoiles, Lune, à regarder par transparence, à travers la lumière. Le cliché réalisé en plein jour prenait ainsi des allures de paysage nocturne.
    Plus tard, les photographes vont reconstituer en studio de véritables scénettes « à suivre », avec personnages costumés et fausse Lune en carton pâte, destinées essentiellement à entretenir la correspondance durant les relations amoureuses.
    Les peintres et les dessinateurs donneront libre cours à leur imagination et vont concevoir des cartes postales hautes en couleurs où des créatures sublimes côtoient la Lune et la prenne à témoin de leurs battements de cœur ou de leurs espérances sentimentales. Et il semble que la Lune écoute toutes ces doléances d’une oreille attentive et avec un sourire complice. Autrement dit on peut toujours s’adresser à la Lune, si cela ne vous fait pas du bien, ça ne peut pas vous faire du mal non plus.
    Tous les styles seront représentés, depuis le paysage nocturne propice à la méditation, en passant par l’humour bon enfant, jusqu’au précurseur du surréalisme qui interprète les cratères lunaires pour leur donner l’apparence de visages humains.
    L’ensemble de cette production peut justifier la phrase de Jules RENARD, extraite de son Journal : «  La rêverie est le clair de Lune de la pensée ».
    Il faudra attendre le 20 juillet 1969 pour que l’homme marche enfin sur la Lune. Bien qu’à cette date les cartes postales n’étaient plus à la mode, il y eut quand même des éditeurs pour commémorer cet évènement.
    On pourrait en déduire que dès l’instant où l’homme a posé un pied sur la Lune et qu’il en a prélevé des échantillons, les charmes de l’astre nocturne allaient fortement s’estomper. Le doute reste permis quand on apprend  qu’un certain DENNIS HOPE, qui a fondé « l’Ambassade Lunaire », vend depuis 1980, à qui veut bien se laisser prendre au piège, des parcelles lunaires, ou plus exactement des « certificats de propriété » à 29 euros les 4000 mètres carrés !
    Avant que les acheteurs ne soient en mesure de pouvoir faire « le tour du propriétaire » il va couler de l’eau sous les ponts.
    A ce jour seuls quelques rares milliardaires privilégiés ont pu s’offrir un petit périple dans l’espace.
    Rassurez-vous, le voyage sera moins onéreux et moins périlleux si vous venez voir la Lune sous tous ses aspects et dans tous ses états au Musée de la Carte Postale.
    Christian DEFLANDRE