Patrick Mimran (Paris, 1956) présentera en novembre prochain, au Passage de Retz, à Paris, sous l’intitulé Prélèvements urbains, plusieurs photographies tirées de trois séries de photographies récentes de l’artiste : Parkings, Vitrines et Escalators ainsi que de son Billboard project.
Patrick Mimran est un artiste complet. Photographe et vidéaste, il est aussi peintre, sculpteur, arrangeur en imagerie numérique et compositeur de musique (il a travaillé avec le cinéaste Peter Greenaway). L’exposition aborde aussi sa pratique de l’espace public, sous l’espèce du Billboard Project. Des photographies d’archives retracent ce projet commencé à New York, en 1999 en marge de son travail photographique, et toujours "in progress" (plus récente présentation : Art Basel Miami, à Miami, en décembre 2007). Cette oeuvre "contextuelle" de type affichage en espace public consiste en la présentation, sur panneaux publicitaires ou sous forme de banderoles fixes ou tractées (par un avion, par exemple), de réflexions de l'artiste en rapport avec le monde de l'art, ses relations avec le marché, la question de la carrière artistique, la vie courante..., non sans humour ni sens aiguisé de la provocation. "Art is Fashion", "I'm the Best in the West", a-t-on pu lire ainsi sur certaines d'entre elles. Cette forme inopportuniste d'expression recourant à l'interpellation court-circuite le bon usage de la politesse sociale, et ses préciosités.
La création telle que l’envisage Patrick Mimran, à large spectre, est généreuse en termes de formes et de thèmes. Traque de l’intimité, au moyen de la peinture notamment ; saisie et re-mixage le plus effréné des modes de vie contemporains saisis par la vitesse et par l’incertitude identitaire ; travail de compilation, aussi, des figures dans lequel le monde actuel s’incarne, au moyen notamment de la photographie. Le sens de l’histoire et du destin, la consommation, le sexe, la mondialisation traversent ainsi cette oeuvre « poly-activiste » par choix, où la passion esthétique redouble la volonté de promouvoir une expression sensible et conceptuelle à la fois, selon un principe de précision du regard mais aussi d’expansion des formes plastiques.
De la Intitulée Prélèvements urbains, cette exposition parisienne offrira au visiteur l’occasion de découvrir un des aspects de la « Mimran Touch », la création photographique. Un bon observatoire de la réalité contemporaine, approchée pour l’occasion depuis l’univers de la ville d’aujourd’hui, saisie de manière à la fois distanciée et iconique.
L’exposition propose trois thèmes visuels principaux, tous empruntés à l’univers de la ville contemporaine : les vues objectivistes de parkings, de vitrines et d’escalators cadrés avec rigueur mais aussi riches d’effets, en lisière de monumentalité. Mise à exacte distance et neutralisation réciproque du froid et du chaud.
L’activité photographique de Patrick Mimran
Des différents médiums auxquels recourt Patrick Mimran, la photographie est sans conteste celui qui informe le mieux sur la disposition de l’oeuvre à susciter, à sécréter du « doute ». Le recours à la série et la pratique du montage s’avèrent ici déterminants. Objectif : réunir, en une même image ou une même série d’images, du disparate ; confronter homogénéité et hétérogénéité, entre mise en scène de l’ordre et du désordre du monde. Nombre de photographies de Patrick Mimran précipitent l’ambivalence, leur fin est plus disjonctive que déclarative. Au tangible (la forme, le signifiant, clairement définis) sont fréquemment ajoutés une imprécision calculée, un sens demeurant hors de portée de l’interprétation sûre (l’intelligible, le signifié, cette fois indéfinis). Manière de dire que toute image, avant d’être probatoire, est « fabriquée », et en large part fictionnelle.
La pratique photographique de Patrick Mimran n’est pas sans informer sur le rapport très personnel qu’entretient l’artiste avec le visible – et, par extension, avec le monde même –, rapport à l’évidence plus tendu que pacifié, plus opaque et trouble que transparent. « J’aime qu’il existe, dans l’expression, une certaine ambiguïté. Plutôt une proposition que des réponses », dit ainsi l’artiste.
Patrick Mimran, né en 1956 à Paris
Depuis sa première exposition « Sweet murder » en 1971 en Suisse à sa participation à la célèbre foire Art Basel Miami en décembre 2007, Patrick Mimran a exposé partout dans le monde ses oeuvres photographiques, sculpturales, peintes, vidéos. Depuis 1999, ses Billboards se sont promenés dans le ciel, de New York à Venise en passant par Moscou et ses installations de vidéo et photographie Babel TV (2001), Vertigo (2002), Discomatic (2003) ou plus récemment Brahmatic (2007) ont été de nombreuses fois présentées dans des foires et musées à Paris, Saragosse, Biarritz, Valence, Venise ou Miami.
Le commissaire : Paul Ardenne est historien de l’art et écrivain. Il est notamment l’auteur de nombreux ouvrages traitant de l’art, de l’architecture ou de la culture d’aujourd’hui : Art, l’âge contemporain (1997), L’Image Corps (2001), Un Art contextuel (2002), Terre habitée (2005), Extrême (2006)…
Il a consacré plusieurs ouvrages à la photographie contemporaine, à travers l’étude, entre autres, des oeuvres de Pierre et Gilles, Jacqueline Salmon, Thibaut Cuisset, Tami Amit ou encore Jean-Michel Pancin, outre une étude détaillée du portrait photographique (Portraiturés, 2003) et de l’image documentaire (Images-Mondes, avec Régis Durand, 2007).
Paul Ardenne a également été co-commissaire de plusieurs expositions : Micropolitiques (2000), Expérimenter le réel (2002-2003), La Force de l’art, Working Men (2008). Il a enfin rédigé plusieurs études et catalogues d'exposition ayant trait à l'oeuvre plastique, vidéo et photographique de Patrick Mimran ( Patrick Mimran, éditions du Regard, 1999).