Studio Pin-Up 23 avenue Jean Moulin 75014 Paris France
Dans cette édition de Parcours 23, nous découvrons deux univers photographiques divergents, abordant souvent les mêmes thématiques.
Une approche précise du détail et une composition minutieuse de l’image côtoient des séquences qui nous immergent dans des ambiances à la frontière du rêve et de la réalité.
Toutefois, le travail de ces deux photographes se rejoint dans la réalisation de paysages dépeuplés, la présence furtive de leurs personnages, et une recherche persistante d’abstraction.
L’exposition commune de ces deux artistes met en évidence les similitudes et les ruptures. Elle permet également à leurs images de se répondre.
ARNAUD PYVKA
«Soleil Vert»
Par Cathy Larqué,
Falaise veineuses, plaines désertiques, ornières sombres, les images d’Arnaud Pyvka émettent un son environnemental qui tient plus de la rumeur que d’un bruit déclaré. Dans une atmosphère que l’on soupçonne proche du basculement, les lumières sont volontiers dorées, les couleurs vertes et bleues sombres, entre chien et loup. Arnaud Pyvka imprègne d’intimité un cadre ouvert. Sa photographie est celle des éléments.
Son travail est lent et minutieux. Chaque détail est réglé au millimètre. Le photographe défie les conjonctures aléatoires des espaces naturels en appliquant des lignes de force rigoureuses, des proportions deux tiers /un tiers qui accordent à un ciel tantôt épais, tantôt limpide, l’apanage de la matière inaltérable. Les accidents, les écorchures, les irrégularités sont le lot terrestre. Les animaux s’intègrent dans le paysage au point de convaincre qu’une loi darwinienne jusqu’au-boutiste ait réussi la mutation d’une hirondelle en fauteuil de terrasse.
Décor intérieur, murs aveugles : les portraits ne laissent qu’entrevoir des parties ciblées.même traitement des sujets qui se cachent sous les draps, derrière des lunettes ou leur dos. Difficile de saisir leur regard. Souvent révélés en plans serrés, ils sont pris au piège dans une lumière crue, sans concession, au flash.
Ces clichés laissent deviner une fébrilité proche de la claustrophobie.
Contrairement à la sérénité contemplative des images en extérieur, celles pris en lieu clos donnent l’impression d’avoir été prise en apnée, impression renforcée par l’utilisation des petits formats.
THIERRY SAUVAGE
«State of Grace»
Par Nicole Avril,
Il s’agirait d’instants de grâce. Il y aurait, au-delà de la solitude, des espaces déserts. On y jouerait de toutes les oppositions, les fleurs et le béton, le doux et le dur, l’ombre et la couleur, la chair et la glace. On verrait des architectures brisées, des perspectives voilées.
On pourrait assister à l’éclosion de végétations inattendues.
Thierry Sauvage n’est pas un braconnier. Il ne tend pas de pièges. Il n’emprisonne pas la lumière. Il donne à l’instant le flou suggestif du souvenir. C’est un passant, peut-être un passager. La troisième séquence ne se conclut-elle pas par la vue d’un train traversant la campagne ? Le photographe est à bord mais, ce qu’il photographie au présent, apparait plus fugace encore par rapport à l’immobilité du paysage.
On sait ce qu’il faut de travail pour donner l’impression de la désinvolture. Thierry Sauvage nous le fait de chic, avec ses photos parfois décadrées, ses couleurs tantôt saturées, tantôt évanescentes. Pour un peu, on penserait en faire autant, et, c’est justement ce qu’il souhaite. Il aimerait que chacun à sa manière, et, selon sa propre imagination, puisse s’emparer de ce qu’il offre.
Son histoire s’efface et laisse apparaître la notre. Thierry Sauvage manifeste ce que nous ne savions pas avoir en nous.