Afi n de fi nancer une partie du budget de leurs forces d’occupation en Inde, les Britanniques avaient imaginé, au début du siècle dernier, de taxer lourdement le sel et d’interdire à quiconque, hormis à eux-mêmes, d’en faire commerce sous peine de prison. Ceux qui habitaient sur les côtes étaient frappés de la même interdiction. Prenant prétexte de cette loi particulièrement inique, Mohandas Karamchand Gandhi quitte, à pied et à soixante et un ans, son ashram d’Ahmedabad (Gujarat) à l’aube du 12 mars 1930 avec, à ses côtés, soixante-dix-huit volontaires. Il lui faudra vingtcinq jours pour arriver à Dandi, au bord de la mer d’Oman, après un parcours de trois cent quatre-vingt-quatre kilomètres. Immédiatement, sur la plage, une foule de sympathisants imite le geste de Gandhi en recueillant une poignée de sel. Au bout de quelques jours, le pays est agité d’une multitude d’actions identiques. Des dizaines de milliers de récoltants de sel sont jetés en prison, après s’être laissé tabasser et enfermer sans opposer aucune forme de résistance. Gandhi lui-même passera neuf mois incarcéré. Winston Churchill aura beau ironiser sur le fakir séditieux qui grimpe à moitié nu les marches du palais du viceroi, ce dernier fi nit par reculer devant l’intransigeance du Mahatma (la grande âme) frôlant la mort par refus de s’alimenter. Tous les prisonniers sont libérés et les Indiens sont à nouveau autorisés à collecter eux-mêmes le sel. Cette campagne de désobéissance civile est l’étape décisive qui conduira à l’indépendance du pays, retardée par la Seconde Guerre mondiale et les dissensions entre hindous et musulmans. Le 15 août 1947, l’empire des Indes devient l’Inde. Six mois plus tard, le 30 janvier 1948, Gandhi tombera sous les balles d’un extrémiste hindou qui lui reprochait ses liens avec les musulmans et les intouchables.