Un état des lieux subjectif sur ce que l’homme a fabriqué, détruit ou abandonné, sans apologie ni dénonciation, hors de toute leçon de morale.
Le regard se tient au niveau de l’humain, à une distance qui est ni celle du photojournalisme au cœur de l’action, ni celle du plasticien qui s’extrait du monde.
Pour réaliser ces photos, Cédric Delsaux a refusé l’hélicoptère, s’écartant du regard de l’écologiste qui photographie des panoramas ou des paysages pour réaliser un reportage intime sur ce rapport avec ce monde. A ce titre, ce travail est plus un miroir qu’une fenêtre.
Le résultat est un mélange de fascination et d’interrogation, un monde littéralement incroyable alors qu’il nous est présenté le plus souvent comme normal. « Nous vivons dans un monde délirant et le réel est fantastique » souligne Cédric Delsaux et c’est bien ce rapport au monde dont il nous faudra aussi faire le deuil si l’on veut que l’humain perdure sur cette planète que le photographe révèle avec tendresse, nostalgie et fascination.
Son travail n’est ni accusateur, ni une carte postale. Il est à la fois tendre et lucide. « Je suis un peu comme quelqu’un qui reviendrait photographier le monde, après sa fin, empli d’une tendresse désespérée pour ce qui a disparu » fait-il remarquer.
Toutes les photos de Cédric Delsaux sont des réinterprétations. Il va chercher la matière première dans le réel pour la revisiter à sa façon. Les images sont peu contrastées. Tout est dans la nuance que seule la couleur peut rendre. « Lorsque je prends des épaves, j’ai besoin de toucher ces voitures. Je veux rendre hommage aux matières. Et lorsque je photographie cette énorme machine dans une carrière de manganèse, plutôt que de la traiter comme une forme agressive, je choisis la demi-teinte. Je suis un peu comme quelqu’un qui reviendrait photographier le monde, après sa fin, empli d’une tendresse désespérée pour ce qui a disparu. »
Ce travail tout en subtilité se retrouve dans l’ambiguité constante qui fait toute la richesse de ses photographies. « On a tendance à se rassurer avec une vision manichéenne : ceux qui sont bien, qui font le bien, et puis les autres. Ce qui est clair et ce qui est sombre, ce qui est considéré comme un beau paysage ou un paysage laid. Et bien je ne peux que m’inscrire en faux, pour moi toutes ces notions s’interpénètrent, se mélangent constamment, c’est pourquoi je ne peux pas m’empêcher de voir de la beauté dans la laideur. Et vice versa. »
A l’origine, Nous resterons sur Terre est un film documentaire. Les réalisateurs ont proposé au photographe de les accompagner, non pas pour photographier le tournage, mais pour exprimer sa propre vision des lieux qu’ils filmaient.
Cédric Delsaux a choisi une dizaine d’endroits emblématiques de l’occidentalisation du monde. L’idée était de dépasser le simple constat, parce que tout le monde connaît l’état de la planète. « Je ne voulais pas me cantonner au regard de l’observateur froid et distant. Je désirais au contraire m’impliquer. Je fais intégralement partie de ce monde, je suis tiraillé par les mêmes contradictions que tout un chacun. Mon propos ne cherche donc pas directement à expliquer l’histoire de certains lieux mais plutôt à raconter les liens que j’entretiens avec ce monde. Je suis dans une instabilité permanente, à la fois dans l’admiration et la détestation, la fascination et le dégoût. »
L’exposition présente une série de grands formats pris aux quatre coins du monde où le regard de l’artiste visite la face cachée de sa propre bonne conscience. Qu’il s’agisse d’endroits quasiment vierges aux paysages les plus exploités, le photographe fait entrer ces lieux en résonnance les uns avec les autres, interroge la présence de l’homme et les métamorphoses de ces paysages humanisés.