
Galerie Martine Thibault de la Châtre 4 rue de Saintonge 75003 Paris France
Avec le projet SEVEN FORTY PM, Pascal Bircher poursuit l'écriture d'une narration sans fin. Chaque nouvelle proposition précise une enquête complexe sur les origines et sur la "mise" ou "l'être" au monde, dont Pascal Bircher rejoue et déjoue les indices en multipliant les références - autobiographiques, scientifiques, littéraires ou cinématographiques. Car si l'artiste emprunte à des champs exogènes, c'est qu'il opère par associations d'idées, par recoupements et rapprochements. Il déplace et transforme sources et prélèvements afin d’interroger les phénomènes d'apparition et de disparition (de l'image, du sens) et d'explorer les possibles objectivations de l'invisible, de l'inobservable ou de l'indicible.
Remake, pièce centrale de l'exposition, vient ainsi réactiver sa propre mise au monde. Pascal Bircher - qui naît le 22 mai 1972 à 19h40 (7.40 pm) dans un hôpital près de Londres, aujourd'hui détruit, et dont la localisation exacte situerait ironiquement la scène dans les plates-bandes d'un pavillon d’un quartier résidentiel - retourne sur les lieux à date et heure anniversaire afin de réaliser le remake de l'événement. Le dispositif mis en place est celui du cinéma et offre à l'artiste les conditions d'une prise de vue en contre-plongée des "coordonnées" de sa naissance, tandis qu'un plan plus large révélant le hors champ met à distance l'action même de photographier et de fictionnaliser la disparition du lieu et sa mémoire. Quelle matière pour l'absence du souvenir? Quelle image pour le néant?
Black Hole reproduit en macro et en haute définition le point final du manuscrit de L’innommable de Samuel Beckett. Hyper condensé visuel et critique du texte, Black Hole procède de la même idée que la série des once-after réunissant les premiers et derniers mots d'ouvrages cultes, sorte de short-cuts littéraires qui, résistant à la réduction et à la destruction, font sens. Ces raccourcis et rapprochements sont symptomatiques du travail de Pascal Bircher qui, à travers des jeux et collisions de langage, tente de réduire l'oeuvre à une idée et à son signe. Comment donner la capture visuelle d'un récit?
My Spectre around me night and day reformule en trois dimensions le poème éponyme de William Blake. Cet ensemble d'objets, composés de la superposition de toutes les lettres du texte, donne à voir le poème en volume et déplace la lecture (au pied de la lettre) à l'appréhension de l'épaisseur de son texte.
Alors que Pascal Bircher transcrit métaphoriquement "l'innommable" en convoquant l'impossible perception du trou noir, métaphore du puits dans lequel toute image est absorbée, il s'attache par opposition à matérialiser et à rendre tangible l'inobservable. 2BHmergerdata fait ainsi défiler sur un bandeau lumineux les données informatiques de la simulation d'un phénomène astrophysique spéculatif : la fusion de deux trous noirs. Si le phénomène reste invisible, l'oeuvre en traduit l'action par le défilement inexorable de son encodage et donne à lire les chiffres de l'imperceptible.
Elfi Turpin, juillet 2008