« EN TOUTES CIRCONSTANCES » est un geste d’adieu provisoire à l’image argentique et au noir et blanc, au moment du passage à l’outil numérique.
J’ai retenu dans plus de trente années d’archives des moments de grâce photographique, au Népal parmi les réfugiés tibétains, au Sahara Oc- cidental au cours de dix années de reportages et d’empathie pour le Front Polisario, en Mauritanie avec les enfants prostitués, à l’Ecole Su- périeure des Arts Décoratifs de Strasbourg, à l’Opéra National du Rhin, au Musée d’Art Moderne et Contemporain de Strasbourg, à l’hôpital ou à domicile.
Certes, un « dessus d’iceberg ».
Aux USA, j’ai voulu sentir avec les yeux quatre mille kilomètres en territoire Navajo, par une errance à travers les paysages surdimen- tionnés du cinéma et de la littérature qui nourrissent depuis l’enfance mes enthousiasmes.
Je n’ai pas de tendresse particulière pour la photographie de paysages, je lui préfère celle des hommes ; mais Monument Valley me parle parce que j’y retrouve Ford et la « Chevauchée fantastique », une mesa et un arroyo parce que j’y vois Joe Leaphorn le lieutenant de police Navajo des polars de Tony Hillerman, une route sans fi n parce que j’y vois les camions de Pechinpah ou celui fou de Spielberg dans « Duel », le désert de Chihuahua enfi n parce que ce sont les confi ns géographiques des cavaliers déjantés de Cormac Mac Carthy dans « Méridiens de sang ». Une fois constatée la démesure minérale et esthétique des espaces, une fois digérée la phrase récurrente « in the middle of nowhere » , j’y ai cherché des hommes et des femmes à l’ombre des pierres, des plumes et des Stetsons…
Alain Kaiser