Six ans presque jour pour jour après sa première exposition à la Galerie VU’, Anders PETERSEN revient avec une exposition intitulée Sète 08. Initié par l’association CétàVOIR et la ville de Sète, ce travail est exposé pour la première fois à Paris. Il a également fait l’objet d’un livre éponyme, chez Images En Manoeuvres Editions, collection ImageSingulières.
L’histoire de la photographie est aussi celle des commandes passées à des photographes.
Poursuivant un but documentaire, elles ne constituent pourtant pas un cadre contraignant. Bien au contraire, comme l’a montré la Mission photographique de la DATAR au cours des années 1980, la commande suscite et encourage l’affirmation d’écritures personnelles.
C’est dans cet esprit qu’Anders Petersen s’attache à faire de ses commandes de véritables cartes blanches. S’il rend compte d’une ville, il en explore la composante humaine : les gens qui la font, qui l’animent, et qui l’animent lui, voleur d’âmes… que ce soit à Rome, Paris, Saint-Etienne, Groningen ou Sète… Le territoire qu’Anders Petersen parcourt est essentiellement dessiné par les contours charnels de ses modèles. Il semble arpenter la ville avec une frénésie animée par le désir de l’autre et de l’écho qu’il renvoie. Loin d’une vision distanciée et silencieuse, celle d’Anders est faite de bruit et de fureur, s’immergeant au coeur de la foule dont il isole celui ou celle qui saura répondre à l’émotion qui le taraude, là, maintenant. En essayant, toujours, d’appréhender le mystère de la photographie et du portrait, captation furtive de fulgurances profondément sensibles.
La photographie d’Anders Petersen se fait sensuelle, organique. Il mêle, en une cacophonie festive, les plaisirs déclinés à l’envie de la chair et de la bonne chair, le tout exacerbé par une lumière sétoise, blanche et crue, qui rend les noirs encore plus denses, les matières plus palpables, plus âpres les contours des choses et des gens.
Comme un clin d’oeil à François Rabelais, en ce moment célébré dans cette même région du Languedoc-Roussillon, Anders nous invite à des agapes qu’on a envie de partager en une simplicité universelle, non dénuée de questionnements sur ce que nous sommes, inévitablement.
Anders forever
Il y a plus de trente ans déjà. « Le café Lehmitz » avait alors révolutionné le petit monde de la photographie. Les jeunes photographes dont j’étais, prisonniers des carcans du plein cadre et autres vieilles habitudes, se sont sentis comme libérés par ce formidable travail où soudain il semblait que l’on puisse tout photographier, pour peu qu’on y mette du coeur et qu’on respecte les « photographiés ». Ce petit livre jauni ne m’a jamais quitté.
J’admirais le travail d’Anders sans le connaître ce fut chose faite en 2005.
C’était un dimanche matin. Début mai, à Saint-Etienne, où nous travaillions à une exposition commune. Une belle couche de neige fraîche avait profité de la nuit pour envahir la ville devenue silencieuse et étonnament déserte. Nous étions fatigués, très fatigués Anders et moi, à force de ne pas économiser nos forces, de nous coucher à pas d’heure, de boire un peu trop peut-être et de refaire le monde chaque soir avec nos rencontres du jour…Anders me proposa alors de marcher jusqu’au cimetière qui était loin et haut perché. Je n’en pouvais plus et je l’ai laissé partir seul. Il en revint avec une formidable photo-hommage au maître Stromhölm (une chrorégraphie de petits pas, les siens, au milieu des tombes blanchies…) . Et je compris plus tard en voyant cette image sublime, la différence entre la passion, ma passion, et la folie, sa folie pour la photographie. Ce fut une belle leçon….
Quand il est venu à Sète, par deux fois à l’invitation de l’association Cétavoir, Anders n’a pas non plus ménagé sa peine. Dehors du matin au soir, il a vite pris la mesure de son terrain d’action. Plongeant dans son travail avec le même enthousiasme, à la recherche de la lumière et de la rencontre qui feront ce cocktail “trash-romantique” qu’il aime tant. Des personnages et des lieux qu’il emmène aux frontières de ce que nous devinons, pour des images âpres mais pas dures. Et, au final une série haute en contraste qui respire le sud, le parler haut et les fausses engueulades pour une Sète vivante.
Skoll my friend….
Gilles Favier/ Photographe, Association CétàVOIR
“Depuis 1978, année de la publication de ses images sur les paumés magnifiques du Café Lehmitz de Hambourg, Anders Petersen continu d’interroger la norme sociale. le photographe pose un regard empathique sur d’autres univers clos ; ceux des prostitués, des fous, des vieux placés en maison de retraite.”
Luc le Châtelier, Télérama
“... il symbolise une photographie chargée d’intensité et qui aime débaucher le spectateur. Ainsi, sous ses yeux, Sète se métamorphose en cité mystérieuse, où, même les poissons ont l’air de dormir debout. Les animaux et les humains, bien sûr, que Petersen approche avec tendresse, retenant les corps offerts sur la plage, ou les pluies de confettis qui irisent un de ses clichés tel un tableau de Pollock” Brigitte Ollier, Libération
“Il y a une vraie dureté dans ce Sète là, tellement tenu à distance du pittoresque coloré, mais il y a aussi de l’abandon, de l’intime accordé, de la sensualité, du rire, de la solitude, du collectif. On se rend compte assez vite que si le regard est unique, si le cadrage peut être sévère dans sa rigueur plasticienne, l’espace de liberté accordé au regardant est plutôt large.”
JF Bourgeot, Midi Libre