Vendredi 03 Août 2012 15:13:22 par actuphoto dans Expositions
Expositions du 15/03/2005 au 22/05/2005 Terminé
Du 15 mars au 22 mai 2005
Vernissage le 14 mars 2005,
rencontre avec la presse le 14 mars à 16h
Olympus France
et la Fondation nationale des arts graphiques et plastiques
s'associent aux activités du Jeu de paume
Neuflize Vie soutient le Jeu de paume
Jean-Luc Moulène pratique la photographie comme un objet d'étude
des phénomènes naturels et culturels tels qu'ils ont été redéfinis
par le développement de l'industrie, du commerce et de la communication.
Il construit ses images-poèmes pour rétablir les conditions
d'une expérience de la perception.
Le Jeu de paume accueille Jean-Luc Moulène pour une exposition personnelle inédite. La série Les Filles d'Amsterdam en constitue le cœur. Ce projet, comme souvent dans le travail de l'artiste, concerne une "question de représentation, de représentation publique, donc une question politique". Ces treize portraits de prostituées, avec leurs noms de "scène" pour titre, fonctionnent à rebours de tout principe d'identité. Dans chacune des images qui composent cette série, Moulène fait se fondre deux régimes d'images, héritées de deux inventions de masse qui marquent très fortement l'origine de la photographie : la photographie d'identité (à travers notamment Bertillon) et la photographie pornographique (Bellocq). Depuis, ces deux pratiques avaient cohabité, sans jamais s'ajuster. "Ma première vision du projet a été cela, explique Moulène, réunir tête et sexe dans un seul corps d'image. Il ne s'agit pas d'expression, mais plutôt de précipiter expérimentalement et concrètement les images mentales que cette coupure a engagées".
Autour et à partir de ce noyau double se développent d'autres images qui agissent comme des fonds, des surfaces, des coupes pour promouvoir, dramatiser les corps réels.
Ainsi, "(…) La première salle ouvre sur des images de "choses", objets trouvés dans la rue ou dans le commerce, puis photographiés sur un fond neutre, en lumière naturelle, dans son atelier. Ce fond coupe l'objet de son contexte d'usage ou d'apparition et l'isole comme un symbole : sandales, bouteilles d'eau en plastique, chewing-gum compressé par le pouce, limace, ongles, boîtes de conserve... Moulène prolonge la tradition surréaliste de la collecte d'éléments de rebut élevés au rang d'objets d'art et la relie directement à l'économie. En tant que marchandises, les objets qu'il convoque s'insèrent dans un circuit commercial allant "du producteur au consommateur" : ces objets ont une marque, une valeur de production, sont soumis au marketing et à l'image de marque, à des principes de diffusion (Estafette) et inévitablement de digestion (Petits Os). D'autres, comme les bouteilles d'eau aux contours ondulés (Bi-Fixe), rappellent combien le design est tributaire de la publicité qui, dans la catégories des eaux minérales, doit traduire l'idée de "fluidité". Aux rayons des espèces animales, Limace offre un simulacre de lèvre nue, sans maquillage. Quant aux ongles rangés verticalement, leur superposition évoque le dessin d'un sternum.
Usant des techniques propres au marketing (fond neutre, décontextualisation du produit, réduction de la forme), Moulène réalise des images anti-autoritaires. Des images indicielles qui réprouvent le conformisme des publicités, et par-delà, leur idéologie. Ce faisant, il réinstaure la force d'évocation et la dérive des signes, livrés sans slogan ni mot d'ordre. (…)
Moulène questionne l'autorité des formes et des discours, sans en produire de commentaire direct, et entend communiquer à la conscience du spectateur une tension qui produit une relation ambiguë, irrésolue, où la connivence est un leurre. Il prend le risque d'une relation actualisée, un rapport au présent, qui prend en compte l'histoire sans nécessairement vouloir s'y inscrire. Par assemblage stratifié de codes contradictoires, issus d'images communes ou refoulées, Moulène ne cesse d'entretenir la discontinuité, la bipolarité : le temps et l'histoire, l'apparition et la disparition, le noir et blanc et la couleur, le fond et la forme, l'ouvert et le fermé, la tension et le relâchement... Tournant le dos à la tradition illusionniste de la photographie avec des images volontairement "plates" et sans profondeur, Moulène préfère mettre en avant la couche émettrice de la photographie et faire en sorte qu'elle “nous regarde“. (…)
Cette exposition, par-delà le trouble qu'elle pourra susciter, pose les jalons d'une réflexion sur le statut de la représentation, en poussant l'énigme du visible et de l'indicible dans ses derniers retranchements, pour révéler ce que l'on pourrait nommer des images explicites."
(Claire Jacquet, extraits du Petit journal du Jeu de paume n°7, mars 2005)
Publication d'un entretien entre Régis Durand et Jean-Luc Moulène, aux éditions du Jeu de paume.
Parallèlement à l'exposition du Jeu de paume,
— La Galerie Chantal Crousel, Paris, présente une exposition personnelle de Jean-Luc Moulène : Produits de Palestine, avec un catalogue.
— Les éditions Al Dante, Paris, publient Le Tunnel.