Fondation Henri Cartier-Bresson 2, impasse Lebouis 75014 Paris France
La Fondation HCB célèbre le centenaire de la naissance d’Henri Cartier-Bresson en l’associant à l’un des photographes qu’il admira le plus jusqu’à la fin de sa vie, sur un sujet commun qu’il affectionnait tout particulièrement : l’Amérique. Cette exposition est l’occasion de mettre à l’honneur deux grands maîtres de la photographie du XXe siècle qui se vouaient une estime réciproque.
L’exposition présente quatre-vingt six tirages d’époque. Les oeuvres de Walker Evans proviennent d’institutions américaines (Getty, MoMA) et de collections privées; celles de Cartier-Bresson, dont plusieurs inédites, sont issues de la collection de la Fondation HCB. Les images présentées ont été réalisées entre 1929 et 1947 dans des environnements urbains (New York, Washington, Chicago, Californie) et dans le Sud : Mississipi, Alabama, Louisiane… Le catalogue, publié par Steidl, est accompagné d’une introduction d’Agnès Sire, commissaire de l’exposition, et d‘un essai de Jean-François Chevrier, critique d’art.
Henri Cartier-Bresson et Walker Evans Walker Evans (1903-1975), jeune Américain épris de Flaubert et de Joyce, était venu passer une année à Paris en 1926 dans le but de devenir écrivain ; c’est à son retour aux Etats-Unis qu’il décida de se consacrer à la photographie. Henri Cartier-Bresson (1908-2004), passionné de peinture, photographia les années 1930 « à la sauvette » avant de s’essayer au cinéma - à New York avec Paul Strand puis en France avec Jean Renoir – et d’opter finalement pour la photographie. Imprégnés de littérature, de poésie, de peinture, dotés d’une insatiable curiosité et de la volonté farouche d’être les libres témoins de leurs temps, c’est donc par la photographie qu’Evans et Cartier-Bresson manifestèrent tous deux, différemment, une forme de critique sociale. Dans son essai, Jean-François Chevrier écrit : « Evans et Cartier-Bresson ont un point commun essentiel, qui a été presque immédiatement reconnu à New York (et ignoré à Paris) : ils sont devenus artistes en réinventant la photographie. » Les deux photographes nourrissaient chacun un profond respect pour le travail de l’autre. Cartier- Bresson évoquait souvent Girl in Fulton Street, l’une des deux images d’Evans qu’il avait sélectionnées pour l’exposition inaugurale de sa Fondation en 2003 (« Les Choix d’HCB »).
En 2001, il écrivait à Peter Galassi, conservateur en chef du département de photographie du MoMA : « Sans le défi que représentait l’oeuvre de Walker Evans, je ne pense pas que je serais resté photographe ». Evans quant à lui écrivait dans le New York Times à la sortie d’Images à la sauvette en1952 : « Cartier-Bresson est un véritable homme de l’oeil. Il fut en outre l’un des rares innovateurs en photographie ».
Les États-Unis, cible commune
Cartier-Bresson disait : « C’est l’Amérique qui m’a fait ». Ses photographies y ont été exposées dès les années 1930, à la Galerie Julien Levy de New York (1933 et 1935), puis au Museum of Modern Art en 1947 (sa première exposition en France n’eut lieu qu’en 1955). Il séjourna à New York en 1935 quand son travail fut exposé chez Julien Levy, aux côtés de Walker Evans et de Manuel Alvarez Bravo (« Documentary and Antigraphic ») et entre 1946 et 1947, alors qu’il préparait son exposition au MoMA (une exposition « posthume » – le MoMA le croyant mort pendant la guerre). C’est à cette époque qu’il réalisa la plus grande partie de son travail américain : pour la revue Harper’s Bazaar il voyagea avec Truman Capote, puis avec John Malcolm Brinnin pour faire un livre qui ne vit jamais le jour. Il découvrit alors les États-Unis dans leur immensité et dans leur diversité sociale. À propos des images américaines de Cartier-Bresson, Arthur Miller écrit : « Comme sa vision des choses est fondamentalement tragique, c’est avec une sensibilité à fleur de peau qu’il a réagi à tout ce qui lui semblait lié à la déchéance et à la souffrance de l’Amérique. » Walker Evans, quant à lui, était « obsédé par le délabrement et le déclin social » (Jean-François Chevrier). Il s’intéressait, selon ses propres mots, à « ce dont le temps présent aura l’air au passé », à l’image du travail qu’il avait réalisé pendant la Dépression dans les années 1930 pour la FSA (Farm Security Administration), et dont de nombreuses images figurent dans l’exposition. Son ouvrage American Photographs devint culte dès sa publication en 1938.
Une grande partie des images que Cartier-Bresson et Evans réalisèrent aux États-Unis à cette époque sont devenues des oeuvres majeures. « Cette rencontre, à l’occasion du centenaire de la naissance d’Henri Cartier-Bresson, permet de confronter leurs regards dans ce qu’ils ont de plus différents, mais assurément dans le partage d’une conscience aiguë du monde, proche ou lointain, et d’une insatiable jouissance de l’oeil. » (Agnès Sire).
À l’occasion du centenaire de Cartier-Bresson, un colloque est organisé en deux temps : à Cerisy-la-Salle, du 4 au 7 octobre ; et au Petit Palais, Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris, les 14 et 15 novembre.
Deux ouvrages consacrés à Cartier-Bresson paraissent à l’automne : un Découvertes Gallimard «Henri Cartier-Bresson», par Clément Chéroux, qui sera présenté lors du petit déjeuner de presse; et « Henri Cartier-Bresson et Le Monde », recueil d’articles du journal Le Monde consacrés à Cartier-Bresson de 1955 à 2007, par Michel Guerrin et publié dans la collection « Art et Artistes » de Gallimard.