Présentation de mes travaux:
Jurgen Nefzger
Dans ma démarche artistique, je porte un regard sur les mutations du paysage. L’urbanisme, les zones périurbaines et rurales ainsi que les questions d’ordre environnemental constituent des éléments de recherche pour accéder à une vision contemporaine qui formule une proposition du paysage en tant que reflet d’une époque et d’un mode de vie, voire d’une attitude de consommation.
A la sortie de mes études j’ai commencé avec La Forteresse (ed.William Blake&co. 1995), travail explorant les traces de l´Histoire dans un paysage à travers une zone précise, l´ancienne forteresse Gironde. Cosignée avec Delphine Trentacosta, cette série se répartit entre des bunkers abandonnés et d´autres réinvestis par des particuliers, sortis ainsi de leurs destinations architecturales premières.
L’utilisation du noir et blanc entre 1995 et 2000 (images réunies dans Hexagone 1, Fûdo éditions, 2006) est issue du souhait de construire une réflexion sur notre société en interrogeant sa mise en scène architecturale et ses nouveaux paysages urbains. Les territoires arpentés sont a priori diversifiés, de Cergy-Pontoise à la Côte d’Azur, mais la succession des images révèle une certaine uniformité et même une confusion entre zones de loisir, d’habitat et de commerce.
La série d’images Aux Portes du Royaume effectue une pause dans les pérégrinations, permettant un regard plus approfondi sur un lieu témoin de son époque. Ancienne région rurale, ceinture éloignée de Paris, Marne la Vallée a subi de grands aménagements urbains, surtout pavillonnaires, autour du site Disney. Réalisées entre 1998 et 2000 ces images donnent à voir le processus de transformation, insistant sur les marques du passage d´un paysage à un autre, répétitif et cloisonné. La série des Implosions vient en 2000 mettre un point final à ce travail sur l’urbanisme en rappelant que tous ces bâtiments, tours et pavillons, n’ont rien d’éternel.
La fin de ce travail entraîne également un changement esthétique par l’utilisation de la couleur. Dans les séries que j’ai entamé à la suite (réunies dans Hexagone 2, Fûdo éditions, 2006), mes centres d’intérêt se sont éloignés d’un territoire fortement urbanisé, en préférant des espaces à faible densité humaine, voire ruraux, et en mettant en scène l’envers du décors : les conséquences du progrès se lisent dans une nature fortement aménagée, rentabilisée et polluée. Le point de départ de ce travail se situe au moment de la marée noire en Bretagne. Invité ensuite en résidence dans le Gers par le Centre Photographique de Lectoure j’ai développé un regard sur la ruralité contemporaine (« Une Partie de campagne », Lectoure 2003).
Ces années de travail sur le paysage contemporain en France ont été réunies en 2006 dans deux livres intitulés « Hexagone 1. Le paysage fabriqué » et « Hexagone 2. Le paysage consommé ».
Le deuxième volume s’achève avec une ouverture sur Fluffy Clouds (2003-2005), une série importante que j’ai construite autour du paysage européen du nucléaire. Le parcours visuel suit le rythme des quatre saisons, cycle d'images où l'Europe est interrogée dans ses paysages, dans ses climats et dans ses positionnements divergents face au nucléaire. Ce travail a été récompensé par le prix du public du Jeu de Paume en 2006. Un livre du même nom est actuellement en préparation.
En 2006 j’ai entamé un autre projet photographique : “Panta Rhei”, qui s'inscrit dans la problématique du réchauffement planétaire. La fonte des glaciers est un phénomène visible qui est traité ici en tant que symbole d'évolutions climatiques moins directement perceptibles. Les paysages montagneux des Alpes (France, Suisse et Autriche) sont représentés à travers les mouvements de leurs glaciers. Pour cet été j’envisage de continuer ce travail. Une exposition personnelle est prévue dans le cadre du Mois de la Photographie à l’automne prochain à la galerie Françoise Paviot.
Aujourd’hui l’homme prend une place de plus en plus grande dans mon travail et dans ma dernière série sur Dunkerque (2007) je me suis intéressé à la manière dont une population prend possession d’espaces dont elle a été mise à distance par un investissement industriel ou immobilier. Dans ces images se dessine la possibilité d’une réconciliation avec notre environnement. Dans Dunkerque j’ai photographié les alentours de la ville, les espaces intermédiaires où l’individu vient rechercher un rapport à la nature. La série adopte comme souvent le rythme d’un récit où l’on découvre peu à peu un portrait de Dunkerque qui s’attache à ses lumières, à ses habitants, sans pour autant nier la réalité sociale qu’elle abrite ni gommer les marques d’un développement économique peu attentif à ses impacts écologiques et humains.
En résidence à Clermont-Ferrand depuis l’automne 2007, je travaille actuellement sur une série d’images de la ville et des environs en effectuant une traversée nocturne allant du haut de la chaîne du Puys jusqu’au coeur de la ville, en passant par les zones périphériques, industrielles et commerciales. Ce travail sera exposé au Musée d’Art Roger Quillot à Clermont-Ferrand à partir de novembre 2008 et sera accompagné d’un ouvrage édité par Hatje Cantz sous le titre “Nocturnes”.
J’envisage ensuite de continuer à développer mon travail dans un style documentaire en restant attentif aux évolutions du paysage qui m’entoure, et en cherchant à le saisir dans ses complexités.
Jürgen Nefzger