C'est en 1947 que je tombais amoureux de la Provence. Mon attachement à cette région fut tel que je décidais d'acheter un vieux mas à Gordes, village perché du Vaucluse, et d'y passer une partie de ma vie. Appareil en main, de l'après-guerre à la fin des années soixante-dix, j'arpentais ruelles étroites, marchés labyrinthiques et pincettes ombragées avec l'intention de restituer une Provence ancestrale, rappelant les coutumes issues d'un art de vivre qui a toujours su composer avec le soleil. Car le village provençal, théâtre idéal pour jouer avec la lumière, est conçu de manière à s'intégrer totalement au paysage, son élégance ne consistant à ne vouloir surprendre ni le ciel ni la terre. Ainsi les hommes se fondent-ils dans le décor un jour de marché ou à l'heure de midi, à l'ombre des platanes ... Les images de Provence ne correspondent à aucune commande, mon unique motivation étant de me faire plaisir, et c'est dans ce cadre que je créais mon oeuvre fétiche, Le nu provençal. Si l'album se termine sur des vues de Marseille, ville métisse aux fortes saveurs, c'est pour mieux capter la beauté énigmatique de ces régions du soleil aux populations chaleureuses. En écho aux images, Edmonde Charles-Roux évoque cette Provence qu'elle connaît si bien. Sous sa plume, l'architecture et les dialectes locaux deviennent l'occasion d'une réflexion sensible sur la nature du paysage, l'âme de la pierre, l'essence du mas, la qualité du vent, l'odeur des lavandes et de l'ail sauvage.
Biographie de l'auteur
Fils d'un photographe-retoucheur et d'une mère professeur de piano, Willy Ronis baigne dans le double univers de la photographie et de la musique. Il rêve de devenir compositeur. En 1926, il achète son premier appareil photo. Profitant des dimanches pour photographier Paris et de l'hiver pour prendre des clichés de montagne, il se constitue des archives qui trouvent preneur auprès de la SNCF en 1935 et au commissariat au tourisme. En 1938-39, il réalise des reportages sociaux (grève chez Citroën), voyage en Grèce, Yougoslavie, Albanie. A son retour, le magasin doit être vendu, Willy coiffe alors une double casquette: celle de photographe industriel, traditionnel, grâce à quelques clients fidèles de période passée et celle de reporter-illustrateur. Il quitte Paris pour le midi en 1972, découvrant avec plaisir l'enseignement des Beaux-Arts d'Avignon, de la faculté des Lettres d'Aix en Provence, et de la faculté des Sciences de Marseille.
Un jour d'été particulièrement torride, il prend sa femme en photo se rafraîchissant au sortir d'une sieste : ce sera Le nu provençal, cette photo si célèbre le fera connaître dans le monde entier.