
Sandrine Marc
« Si touchant terre à Trude, je n'avais lu le nom de la ville écrit en grandes lettres, j'aurais cru que j'étais arrivé au même aéroport dont j'étais parti. Les banlieues qu'on me fit traverser n'étaient pas différentes des autres, avec les mêmes maisons jaunes et vertes. Suivant les mêmes flèches, on tournait autour des mêmes parterres sur les mêmes places. Les rues du centre montraient dans leurs vitrines des marchandises, des emballages, des enseignes qui ne changeaient en rien. C'était la première fois que je venais à Trude, mais je connaissais déjà I'hôtel ou par hasard je descendis ; j'avais déjà entendu et prononcé les mêmes dialogues avec acheteurs et vendeurs de ferraille ; d'autres journées pareilles à celle-ci s'étaient terminées en regardant au travers des mêmes verres ondoyer les mêmes nombrils.
Pourquoi venir à Trude ? me demandais-je. Et déjà je voulais repartir.
– Tu peux reprendre un vol quand tu veux, me dit-on, mais tu arriveras à une autre Trude, pareille point par point, le monde est couvert d'une unique Trude qui ne commence ni ne finit : seul change Ie nom de l'aéroport. »
Italo Calvino, Les villes invisibles, VIII, Les villes continues. 2. (page 149)
© Édition du Seuil, 1974, pour la traduction française du texte
Journal photographique. De l'ordinaire. Un enchevêtrement de parcours dans des villes continues. Chaque image est le fruit de l'aléatoire. Chacune présente un climat. Les situations sont ténues, elles demeurent secrètes, elles auraient pu rester invisibles.
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